Lord Biron, George Bryan Brummel, Baudelaire, Barbey d'Aurevilly, Oscar Wilde, Marcel Proust... grands hommes de leur siècle ont été ce que l'on appel trop communément dandy : "homme qui affecte une suprême élégance dans sa toilette, ses manières, ses goûts." Larousse. Grands écrivains, hommes affluents, respectés ou non, le dandy est un homme (et non pas une femme, le mot ne connaissant pas de féminin, ni d'exemple féminin historique) qui se démarque de la société par sa manière d'être et de paraître. Typiquement anglais, il y eu des cas français comme Baudelaire ou d'Aurevilly ( à lire Du dandysme et de George Brummel). On retiendra avant tout Brummel, Wilde, et Proust, le premier pour avoir instauré le "costume" masculin moderne, le second pour avoir osez publier des livres parlant de rapport masculin, lui même étant homosexuel, il fut emprisonné, et le dernier pour avoir ouvert la voie aux sujets "déviants" (=homosexuels) dans la littérature française.
Barbey d'Aureville disait que Brummel fut le seul dandy et qu'il n'y en aura pas un autre, pourtant on a assimilé volontiers des hommes jusque dans les années 20 à des dandys. Dans ce cas, y aurait il encore, à notre époque, des dandys "modernes"?
terça-feira, 29 de março de 2011
Le dandy, une figure de l’hystérie
par Noël RIVIÈRE
29 octobre 2009
Le dandy est apparu aux temps modernes. Il a été une réponse maladroite au nihilisme d’un monde de l’argent entendu comme « un bien sans qualité » (Georg Simmel), une réponse qui ne permettait en aucun cas de surmonter ce nihilisme. Il tend à disparaître aux temps hypermodernes, société des tribus où le jeu avec la centralité n’a plus guère de sens car celle-ci est partout et nulle part. Explications.
Penser le dandy, c’est penser deux choses. C’est penser la déféminisation de l’hystérie, et c’est penser sa désexualisation. Pour le comprendre, il faut d’abord faire un bref retour sur la théorie de l’hystérie, puis évoquer la figure du dandy telle qu’elle s’est constituée au XIXe siècle. Ce cheminement amènera à rencontrer des figures plus mineures de l’hystérie : le mondain, le sophistiqué, le bohème…
Faisons rapidement retour sur la théorie de l’hystérie. Après avoir été analysée, conformément à son étymologie, comme une maladie « féminine », – la maladie de la matrice -, l’hystérie a été rapprochée de la neurasthénie, au XVIIe siècle, en un mouvement qui ne faisait que reprendre une théorie du IIe siècle ap. J.-C. avec Sextus Empiricus, et elle a été étendue aux hommes.
L’hystérie a été vue sous l’angle d’une maladie neurologique par Jean-Martin Charcot (1825 – 1893). Elle concernait donc tant les hommes que les femmes. Freud a repris ce point de vue mais a resexualisé, – voire sursexualisé selon certains – l’hystérie quant à son origine, qu’il voit principalement dans des émotions sexuelles mal digérées.
L’hystérie est alors un paradigme de la maladie mentale. Un siècle plus tard, nous n’en sommes plus là, et c’est la notion même d’hystérie qui semble disparaître derrière des symptômes rattachés à d’autres pathologies. Dans ces conditions, l’hystérie peut-elle encore nous dire quelque chose de la maladie mentale ?
En tout cas, l’approche de l’hystérie en termes de paradigme ne paraît plus adéquate. C’est une approche en termes de position de vie qui retient notre attention. L’hystérie est une attitude, une position. C’est une position devant le monde et devant les autres. En cela, c’est une solution à un problème. Plus précisément c’est une tentative de solution à un problème d’économie psychique défaillante. Il s’agit d’économie psychique, et non seulement d’économie sexuelle. Ce que nous explorons ne se situe donc pas dans la lignée de la position de Freud de l’origine sexuelle de toutes les névroses donc de l’hystérie.
Comprendre à nouveaux frais l’hystérie, c’est la désexualiser. L’hystérie est une difficulté à investir les rôles sociaux, quels qu’ils soient. Nous évoquions plus haut l’idée que toute position de vie assumée constitue une tentative d’auto-thérapie. On peut estimer que l’hystérie est une « mauvaise » réponde à un vrai problème : une forme particulière de neurasthénie, l’acédie.
Il y a en effet des liens entre hystérie et acédie, exactement entre l’hystérie et une tentative de soigner une acédie, celle-ci entendue comme non pas une paresse, non pas une simple tépidité (défaillance de l’énergie, relâchement) mais au contraire comme une tension, mais une tension qui ne sait à quoi s’employer, une tension qui s’entrave elle-même et qui se heurte au non désir de soi, produisant ainsi une sorte de « tristesse sèche ».
En ce sens, Albert Camus écrivait : « Le dandysme est une forme dégradée de l’ascèse ». Il poursuivait : « Le dandy créé sa propre unité par des moyens esthétiques […] La créature jusque là recevait sa cohérence du créateur. À partir du moment où elle consacre sa rupture avec lui, la voilà livrée aux instants, aux jours qui passent, à la sensibilité disperse. Il faut donc qu’elle se reprenne en main » (L’Homme révolté, 1951). L’hystérie est une tentative d’échapper à l’acédie; elle s’inscrit dans un système global d’économie psychique. D’où l’intérêt d’étudier, au-delà de tout paradigme, les figures passées et actuelles de l’hystérie, maintenant nommée l’histrionisme.
Certaines de ces figures ont un profil assez reconnaissable. Ne négligeons pas ce que nous dit le sens commun sur l’hystérique : celui qui « fait des histoires », le coléreux pour un rien, l’acariâtre. C’est là l’hystérie rouge pourrait-on dire. Naturellement, ces caractéristiques peuvent se trouver chez d’autres types de personnalité, le psychopathe par exemple. Elles ont par contre un sens particulier chez l’hystérique, c’est le « vouloir se faire remarquer » (comme une tour que l’on voit de loin dans un paysage – ce qui pourrait amener à évoquer une hystérie architecturale), « vouloir attirer l’attention », « vouloir être au centre des préoccupations des autres ».
L’hystérique est ainsi un être qui adopte une attitude de hauteur, non pas par distance radicale avec les autres, mais pour se faire remarquer. Le succès recherché et surtout affiché, ou encore la revendication insatiable peuvent être ses moyens. L’hystérique est un phobique à l’envers, il a toujours besoin d’être sûr d’être au centre de l’attention d’autrui.
Le mondain, le dandy, le sophistiqué
Le mondain est une figure possible de l’hystérie, il veut être parmi ses pairs, du petit nombre de ceux « qui comptent ». Il y a une affectation dans l’hystérie. Le sophistiqué, le délicat, le maniéré sont d’autres figures possibles de l’hystérie, même si ces figures peuvent renvoyer aussi à d’autres personnalités pathologiques, narcissiques notamment, évitantes parfois (ce qui n’est pas le cas du mondain). Ces dernières figures, ces attitudes sont toutes tangentielles par rapport à la centralité : entendons qu’elles ne visent pas à la centralité d’une manière simple, classique, comme le mondain y vise, mais d’une manière détournée. Plus radicale est une autre figure de l’hystérique. Nous voulons parler de la figure du dandy.
Il y a trois modes de repérage possibles des hystéries : en fonction de la typification des rôles sexuels (ainsi le Don Juan…), de la symptomatologie corporelle (ainsi l’hypocondriaque…), du positionnement dans le champ social. Le dandy relève de ce troisième registre. Qu’est-ce qui caractérise le dandy ? C’est un rapport à la centralité complexe. Le dandy est obsédé par la centralité, mais toutefois il ne souhaite pas participer à celle-ci n’importe comment. Il souhaite apparaître, vu du centre, comme étant aux marges, ailleurs, « différent ». L’important pour le dandy, c’est « comment on le voit du centre ». C’est là toute la différence avec le mondain qui veut être « de ceux du centre », et non seulement au centre, et encore moins « vu du centre ». Il y a une dimension « nostrique » (la nostrité, l’appartenance au « nous », à une communauté) chez le mondain (la volonté « d’en être »). C’est une dimension d’appartenance qu’il n’y a pas chez le dandy.
Autre figure, le sophistiqué. Celui-ci est intermédiaire entre le mondain et le dandy. Il est certes, avant tout, proche du dandy. Mais sa sophistication ne constitue pas un refus aussi radical de la « nostrité » – le sentiment d’un “ nous ” – que pour le dandy. Le sophistiqué est snob d’apparence mais il est moins méprisant que le dandy. Sa sophistication est une mise à distance des autres qui ne va pas jusqu’à l’auto-mise à l’écart du dandy.
À beaucoup d’égards, le sophistiqué est proche du snob. « Il n’existe pas de snob à temps partiel ou d’intermittent du snobisme. Il s’agit d’une vocation, d’un sacerdoce, d’une carrière », écrit Jean-Noël Liaut (Petit dictionnaire du snobisme contemporain, Payot, 2006). Le terme snob vient de William MakepeaceThackeray, auteur de Barry Lindon et d’un Livre des snobs, publié en 1848. Le snob, qui tient à la fois du sophistiqué et du mondain, est d’emblée un être marqué par un décalage. Il veut paraître au dessus de ce qu’il est socialement. Il aspire, note l’historien Frédéric Rouvillois, « à un statut supérieur au sien; [c’est en ce sens] un intrus, un imitateur, un vaniteux » (Histoire du snobisme, Flammarion, 2008).
À la fin du XIXe siècle, le critique littéraire Jules Lemaître écrit que le snob est un « mouton de Panurge prétentieux, un mouton qui saute à la file, mais d’un air suffisant ». Le snob peut aussi être très proche du dandy quand ce dernier est un mondain paradoxal. Ainsi était Arthur Meyer, issu d’une famille juive, fondateur du Musée Grévin, boulevardier notoire, comploteur au côté de la royaliste duchesse d’Uzès, qui fut, au tournant des XIXe et XXe siècles, un dandy caractérisé, cherchant à dérouter par rapport à ses origines et à être où on ne l’attendait pas.
C’est ainsi que ce fils de rabbin devint catholique, antidreyfusard et royaliste. Néanmoins, il se bâtit en duel avec l’antisémite Édouard Drumont et fut attaqué par L’Action française. Il était par ailleurs patron du journal Le Gaulois, un titre qui évoque un journal populaire et qui était au contraire un quotidien peu diffusé, aristocratique et mondain, qui finira racheté par Le Figaro en 1929. Un homme de paradoxes savamment entretenus.
Arthur Meyer lui-même voyait dans le snobisme « le refuge naturel d’une société à laquelle la république a refusé toutes les réalités, et qui est condamnée à se contenter des apparences ». Il en ressort en tout cas clairement que le snobisme et le dandysme sont ici la même chose – une chose qui consiste à vouloir apparaître en écart avec les conventions. À l’extrême, et sans le talent d’Arthur Meyer, cela produit des gens en décalage mental avec leur situation réelle, dans une sorte de paraître sans être et qui vivent, en termes heideggeriens, sans authentique « être-là ».
L’attitude dandy vise à essayer d’attirer les regards mais pour dire « je ne suis pas celui que vous croyez que je suis ». Cette dérive de l’identité trouve un terrain fertile dans les temps modernes. Pourquoi ? Parce que les identités de rôle y sont de moins en moins données d’avance. Les incertitudes identitaires peuvent ainsi déployer leurs figures à foison. En outre, les sociétés démocratiques amènent à un certain nivellement apparent des mœurs. Dans le cas de ces sociétés, l’attitude dandy a pu être analysée, de manière sans doute trop complaisante, mais qui contient une part de vrai, comme « une réaction pour établir la personne humaine dans ce qu’elle a de beau, d’unique, face à une société qui tend à uniformiser, à réduire les êtres » (Michel Le Maire, Le dandysme de Baudelaire à Mallarmé, Klincksieck, 1978). C’est par réaction à cette uniformisation, et parfois par envie de situations sociales supérieures que le dandysme trouve à s’employer en mobilisant les artifices du snobisme. Il semblerait d’ailleurs que snob veuille dire « non noble » et, en ce sens, Proust parle quelque part d’une femme « snob bien que duchesse » – ce qui semble bien indiquer une antinomie.
Dans le foisonnement de ces figures, la moins hystérique est le mondain, qui est dans le registre d’un certain plaisir de la vie sociale (cf. le poème de Voltaire qui porte ce nom), puis vient le sophistiqué qui correspond à une hystérie plus grande, ou en tout cas à une névrose plus prononcée, puis enfin le dandy, qui est dans l’esquive permanente, et dans l’hystérie la plus pathologique.
Qu’est-ce à dire quand nous parlons de figures plus ou moins hystériques ? C’est ici qu’il est nécessaire de revenir sur la symptomatologie complexe de l’hystérie. Elle n’est pas spectaculaire. Nous avons tous en tête l’image de l’hystérique comme celui, celle qui « en fait trop ». Mais l’hystérie peut être discrète. Et le dandy se rapproche alors de la discrétion de l’hystérie quotidienne. Petite description phénoménale de cette dernière. Une femme entre dans une rame de métro. Habillée en rouge. Elle se précipite vers une place assise, et ouvre immédiatement, visiblement en état d’urgence, la fenêtre pour avoir plus d’air. Sans bien sûr demander si cela gène quelqu’un (nous sommes en mai, ce n’est pas la canicule). Elle se rassoie, serre ses sacs contre elle, sourit (se sourit à elle-même), témoignant du sentiment d’avoir réussi sa mission : trouver une place, l’aménager, s’y installer. Trente secondes plus tard, elle baille ostensiblement (l’ennui arrive vite chez l’hystérique). Puis son vis-à-vis se lève, elle se précipite alors pour s’asseoir à la place laissée vacante, le tout rigide, lèvres serrées. C’est cela l’hystérie : surjouer le quotidien et le banal, et exactement surjouer l’instant, bien plus souvent que « faire des crises d’hystérie » même si cela peut être une modalité. L’hystérique surjoue l’instant car « l’instant est le sommet de la centralité ».
La fausse concision du style dandy
À la discrétion de l’hystérie quotidienne répond la sobriété du style dandy. Le style dandy, ce n’est pas l’extravagance, celle par exemple des Merveilleuses du Directoire, extravagance toute dans la centralité et dans une sorte d’égalitarisme de la centralité. Ce qui caractérise le style dandy, c’est la sobriété. Mais il y a dans cette sobriété quelque chose de décalé. Cette sobriété est une fausse concision. Elle est elliptique. Il y a ainsi, dans le dandysme littéraire, un « reste à dire », et, dans le dandysme vestimentaire, un subtil décalage qui dit : « Je ne suis pas là où vous croyez. Et je ne suis pas celui que vous croyez ». Le dandy aime le simulacre, et tout particulièrement le simulacre du naturel, le faussement négligé par exemple.
Au plan littéraire, le dandysme est toujours de l’auto-narration. Le sujet et l’auteur sont mélangés. Tout est peu ou prou auto-portrait chez le dandy. Le dandy affectionne la litote, celle-ci qui est, relève Clément Rosset, « la caricature du secret, ou encore son échec, puisque la chose que l’on prétend voiler y est, non pas dissimulée ou diminuée, mais au contraire présentée sur un plateau et proposée, démesurément grossie, au spectacle universel » (Le réel. Traité de l’idiotie, Minuit, 2004).
Remarquons la fausse concision du style littéraire dandy maintenant. C’est le fait que l’abondant, le florissant, auxquels on pourrait s’attendre (le baroque en d’autres termes) sont remplacés par un style « court », qui, à défaut d’être vigoureux, est une forme brève de la grandiloquence. C’est une hystérie discrète, une sorte d’hystérie blanche. Le dandy porte des masques. Mais ceux-ci ne cachent pas une personnalité secrète – un secret romantique, une sombrerie, ni même des personnalités multiples -, ils masquent plutôt l’absence de personnalité.
Ce qui tient lieu de personnalité au dandy, c’est le fétichisme. Pour le dandy, sa singularité se joue socialement et lui tient lieu d’identité. Le dandy ne s’approprie pas son propre désir; il vit à travers le regard des autres. Sa singularité est validée par et seulement par le regard des autres. Pour le dandy, l’autre ne sert qu’à cela : servir de miroir. Conséquence : l’autre au sens de la concrétude d’une autre personne humaine n’existe tout simplement pas pour le dandy. Le dandy est en un sens rabattu sur son identité idem et non sur son identité ipsé, mais ce qui compte pour lui, c’est moins son rôle réel que celui que lui attribuent les autres.
Le dandy est un être à regarder, il érotise son « être vu » qui est un « être à voir ». La panne identitaire du dandy l’amène à sans cesse surenchérir dans le déploiement du style (cf. Françoise Coblence, Le Dandysme. Obligation d’incertitude, P.U.F., 1988 et « Le dandysme et la règle » in Alain Montandon directeur, L’honnête homme et le dandy. Études littéraires françaises, Günter-Narr Verlag, Tübingen, 1993). Le dandy aime la parade : c’est une « vamp » masculine. Ce qu’il aime dans la parade, c’est le signifiant, pas le signifié : les signes de la virilité par exemple, pas son exercice. (En ce sens on peut considérer que H.P. Lovecraft était exactement un dandy comme le montre Lyon Sprague de Camp, H.P. Lovecraft. Le Roman de sa vie, Durante, 2002).
Ce qui importe au dandy, c’est comment on le considère socialement. Le dandy refuse tout échange social normal, il organise les conditions pour que tout don n’entraîne jamais un contre-don, pour prendre chacun à rebours. Exemple : quelqu’un signala une fois à Brummell qu’il le trouvait fort élégant. Réponse de Brummell : « Hélas non, puisque vous l’avez remarqué ». L’attitude du dandy est de chercher à être remarqué mais en faisant toujours la « fine bouche », ce qui est bien sûr une position « féminine », entendons par là, une position correspondant à la représentation sociale de la position féminine.
Chose importante, cette attitude va avec un antiféminisme théorique fort : le dandy se veut un être « froid » à l’opposé de la « chaleur » féminine et de ses « pleurs ». Barbey d’Aurevilly nous dit que le dandy voit les femmes comme de « dramatiques machines à larmes ». De fait, l’antiféminisme du dandy est radical, bien que lui-même représente plus un troisième sexe que le sexe masculin. Mais précisément, si le dandy était homme, il se distinguerait de la femme sans avoir à la haïr.
L’antiféminisme du dandy est lié à sa haine de la « nature », à sa détestation de la « campagne ». Baudelaire écrit : « La femme est le contraire du dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim et elle veut manger. Soif, et elle veut boire. Elle est en rut et elle veut être foutue. Le beau mérite ! La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c’est-à-dire le contraire du Dandy » (Mon cœur mis à nu. Journal intime). Le dandy déteste la femme mais il vomit aussi l’amour, qu’il renvoie à la perte de l’identité individuelle. Même jouissant, le dandy reste un avare et un coquet.
Offert, mais imprenable, le dandy fait de lui-même un objet de consommation. Son désir, c’est d’être désiré, et c’est même là son seul désir. Il esthétise la vie sociale elle-même en même temps qu’il l’érotise. L’essence du dandysme n’est aucunement, comme croit pouvoir l’avancer Michel Onfray, « la rébellion perpétuelle, le refus du grégarisme, l’éloge de l’individu, l’insoumission permanente » (Le désir d’être un volcan. Journal hédoniste, 1998). D’une part, le dandy est bien trop froid pour être comparable à un volcan, d’autre part il n’est ni un anarchiste, ni un rebelle, ni un « sculpteur d’énergie » comme aimerait le croire Onfray. Il n’est ni l’anarque de Jünger, ni Napoléon, ni Stendhal. Le dandy a le souci de l’ordre – un souci exactement maniaque au sens médical du terme. « L’écriture ponctue, structure, rachète une débauche solitaire, sans en sortir, sans jamais viser, ne fût-ce que par l’imagination, un ailleurs réel » (Michel Beaujour, Miroirs d’encre. Rhétorique de l’autoportrait, Le Seuil, 1980).
Le dandy suppose un certain style de société : il faut que l’aristocratie soit en déclin et que la démocratie ne soit pas pleinement installée. Hors ces conditions, l’extravagance a plus sa place que le dandysme à proprement parler. Mais la vanité mêlée de recherche d’originalité trouve toujours à s’employer. Barbey a ainsi pu parler de dandy d’avant le dandysme pour le duc de Lauzun, petit marquis devenu favori de Louis XIV, et on peut bien sûr trouver maints exemples de dandys d’après le dandysme.
Mais la catégorie de dandy ne saurait être étendue sans discernement. Elle perdrait alors toute valeur en tant que forme de personnalité hystérique-histrionique. Ainsi, on peut douter que le prince Charles-Joseph de Ligne, militaire de valeur, écrivain, homme de contacts suivis avec ses pairs ait quelque chose à voir avec le dandysme : il ne suffit certainement pas d’être brillant pour être dandy, il faut être un inadapté social – et ce n’est pas donné à tout le monde !
Fils de personne
Le dandy est à l’écart de toute vraie collectivité humaine. Le dandy est « fils de personne ». Il nie les filiations, dans le sens ascendant comme descendant. Laisser des traces, non, brouiller les pistes, oui. Le dandy s’abstrait du poids de l’histoire. Il brouille aussi les appartenances sociales : elle n’est ni bourgeois ni prolétaire. Pas plus qu’il ne croit à l’histoire, le dandy ne croit à la nature. Le romantisme de la nature ? Très peu pour lui. Ni croyance au progrès ni souci d’un quelconque ordre naturel : le dandy n’est ni conservateur ni progressiste.
La vision du monde du dandy est ainsi une clé de compréhension du style qu’il adopte. Le dandy voit le monde en esthète, et il le trouve laid. Voir en esthète ce qui relève du pratique permet de se donner le « luxe » de prendre un air dégoûté. Le dandy privilégie les figures marginales de ce monde : l’« Apache » en 1900, le milieu « underground » de nos jours.
Conscient de l’uniformisation croissante du monde et des modes, le dandy réagit à cela, non par une extravagance générale mais par des particularités fétichistes. Il se veut œuvre d’art résolument fragmentaire, et non microcosmique; il se veut à l’instar de la toile du peintre mise dans un cadre, comme ce cadre qui est partie intrinsèque de l’œuvre d’art et extrinsèque de la nature (cf. Kant, Critique du jugement).
Le dandy n’est pas « pittoresque » non plus qu’il ne se veut « authentique ». Il a « le besoin ardent de se faire une originalité » écrit Baudelaire (À noter que Baudelaire lui-même fut qualifié de « Boileau hystérique » par le critique Alcide Dusolier qui admirait son style sans partager son esprit). Le dandy n’est jamais naturel, et c’est son point commun avec le puritain. Il ne copie rien, mais il parodie tout. Il brouille la distinction entre l’original et la copie. Il joue pour cela tout particulièrement sur l’ambiguïté du romantisme et du thème mélancolique. Il y a quelque chose de faisandé chez le dandy. L’esthétisation du tragique est la grande ressource du dandy, dans laquelle il puisse pour orchestrer son style.
Cette esthétisation recherchée par le dandy est trop extrême pour ne pas donner de contre-effets. Ainsi, au plan vestimentaire, le dandy, à force de vouloir apparaître « distingué » finit par paraître surtout « décalé ». En même temps le dandy a bien vu, mieux que le mondain, que notre société n’a plus vraiment de centre, du moins fait vivre une pluralité de ceux-ci, circonstanciels, éphémères, en adéquation à des milieux et des stratégies qui ne durent qu’un temps. L’obsession de la centralité du dandy est donc doublement particulière : elle consiste à être fasciné « à rebours » donc à chercher à être en vue des marges, marges « à la mode », marges « branchées », des marges qui sont en fait des centralités périphériques; mais l’obsession « anti-centriste » (le dandy ne veut pas être au centre si le centre est le lieu de la banalité) du dandy est aussi en butte à l’incertitude sur ce que sont les marges et les centres ; d’où le fait que, à partir de 1848 et de l’entrée dans la modernité, le dandy est avant tout – et paradoxalement – un homme des foules.
***
Il y a une topologie particulière du dandy au XIXe siècle. Le dandy d’alors aime les « salons » puisqu’ils ont pour fonction de désennuyer et que la menace de l’ennui fait partie de l’arsenal du dandy. Il aime aussi les clubs, car on y joue sa visibilité de la centralité mais ce dans un cadre pré-choisi. Le dandy glisse alors vers le mondain. Il y a là ce que Robert Kempf appelle « une double postulation vers le cloître et la scène » (Roger Kempf, Dandies. Baudelaire et Cie, Points-Seuil, 1984). Mais le dandy peut aussi aimer laisser entrevoir l’ellipse de sa singularité dans la foule anonyme ou tout milieu anonyme. C’est là même tout son jeu – un jeu non conscient – proprement hystérique : se montrer, séduire et plus encore se laisser séduire (posture féminine qu’il prise), puis se dérober. Jeu de cache-cache infantile. Le style du dandy c’est apparaître, disparaître, et laisser une aura.
Bien entendu, le dandy ne peut travailler avec les autres, il est inapte à des relations de travail avec autrui, qui supposent engagement et fiabilité. Pour le dandy, « tout ce qui est utile est laid » comme écrit Théophile Gauthier (préface à Mademoiselle de Maupin). Tout travail utile est donc laid.
Toujours au XIXe siècle, le dandy est le promeneur de Baudelaire qui met sa singularité à l’épreuve du non sens de la société de masse, fasciné par la marchandise et, déjà, le fétichisme de la marchandise. Quand le dandy se fait homme des foules, il est toujours en retrait (cf. Henriette Levillain, L’esprit dandy. De Brummell à Baudelaire, José Corti, 1991). L’écriture d’esquisses, de croquis où il se tient à distance de lui-même peut lui tenir lieu de rôle. À l’occasion, le dandy préférera le « peu » du livre – de préférence sans lecteurs – au « trop » du journalisme. L’essentiel pour le dandy est de ne jamais s’engager vraiment, de refuser l’épaisseur et le poids des choses.
Combler le vide en se tenant à distance de lui-même : c’est cela la méthode du dandy. « Le Dandy doit aspirer à être sublime, sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir » (Baudelaire). « Un dandy, écrit-il encore dans un article consacré à Constantin Guys [peintre à propos duquel Baudelaire rédige les essais Le peintre de la vie moderne], peut être un homme blasé, peut être un homme souffrant; mais, dans ce dernier cas, il sourira comme le Lacédémonien sous la morsure du renard. » De son côté, Barbey d’Aurevilly écrivait : « J’ai, parfois dans ma vie, été bien malheureux, écrivait, mais je n’ai jamais quitté mes gants blancs. » Une attitude que les Anglais résument par la formule : Never explain, never complain. Mais ce serait trop tirer le dandy vers le stoïcien que d’en rester là. Le vrai stoïcien est à l’opposé du narcissisme du dandy.
Albert Camus remarquait : « “ Vivre et mourir devant un miroir ” », telle était, selon Baudelaire, la devise du dandy. Elle est cohérente, en effet. Le dandy est par fonction un oppositionnel. Il ne se maintient que dans le défi » (L’Homme révolté). L’archétype du dandy tel qu’il s’est définit au XIXe siècle c’est George Bryan Brummell (1778 – 1840). Le beau Brummell, d’origine modeste, fut un arbitre de la mode, ami du Prince de Galles, créateur de costume et esprit sarcastique. Il mourut ruiné après avoir fait de la prison pour dettes. Sa vie inspira Jules Barbey d’Aurevilly qui publia Du dandysme et de George Brummell en 1945.
À cette date, Barbey est sur le point de se convertir au catholicisme. Il a abandonné les idées libérales de sa jeunesse pour se rapprocher des idées de Joseph de Maistre, doctrinaire de la Contre-Révolution. Son ouvrage sur Brummell est en vérité « le texte de son propre dandysme » comme écrit Frédéric Schiffter, auteur de fins essais sociétaux (notamment une Lettre sur le dandy, une Métaphysique du frimeur, une Lettre sur l’élégance, une préface à Du dandysme de Barbey).
Comme Brummell, Barbey cherche à se « froidir » – à paraître froid. Il rappelle le principe de Brummell : restez dans le monde tant qu’on n’a pas produit d’effet, disparaître dés qu’on a produit un effet sur la société qui nous environne. Étonner plus que plaire vraiment. Garder son sang froid. Être caustique, mais sans verve puisque celle-ci serait réservée aux passions et que le dandy n’en a pas. Savoir user du silence comme du bon goût de la fierté. Rester stoïque au point d’être parfois un martyr de la légèreté. N’accepter ne n’être fouetté que par sa propre vanité. Ne jamais rien donner aux autres et, en conséquence, en recevoir peu ou rien et ainsi être sûr de ne jamais rien perdre. N’être aimé que par spasmes. Aimer la distance non par pudeur mais parce qu’elle permet d’être fugitif. Être ainsi un rejeté-rejetant, incompris-incompréhensible. L’ambition – car c’est bien de cela qu’il s’agit – de l’hystéro-dandy est d’être « impossible » (cf. Françoise Dolto, Le dandy solitaire et singulier suivi de Le dandy une figure de proue, Gallimard – Le Mercure de France, 1999). Soyons assuré qu’il y arrive.
La posture initiale de Brummell est toute de retenue, sobriété vestimentaire mais avec chic, sobriété de langage, pas d’engagement politique, absence de frasques sexuelles. La différence est grande avec des dandys tel lord Byron, ou, plus tard, Oscar Wilde. Comme le souligne Otto Mann, auteur de Der moderne Dandy (1925), il n’y a chez le dandy, à l’origine, rien de flamboyant mais une recherche d’équilibre – un équilibre qui se veut toutefois au dessus de la société moyenne de son temps, jugée médiocre (cf. aussi Günter Erbe, Dandys. Virtuosen der Lebenskunst, Böhlau-Verlag GmbH, Cologne, 2002). En Allemagne, la figure du dandy est proche de celle, peu flatteuse, du Petit Bossu. Une chanson dit : « Es-tu amoureux,/ lascif d’amour/ laisse moi, mon beau / voir de quoi tu as l’air? -/ Pfui! poilu,/ dandy bossu !/ Noiraud, calleux/ nain sulfureux!/ Cherche toi une fille,/ à qui tu plais! »
Le sentiment de médiocrité des temps présents qui affecte le dandy – à moins qu’il n’affecte seulement d’éprouver ce sentiment – se nourrit de la nostalgie d’une société plus haute comme chez Joseph Addison et Richard Steele (Les beautés du spectateur, 1801) qui exhortent à retrouver paideia (éducation au sens de formation de l’homme) et humanitas.
Dans cette perspective, William Morris, John Ruskin, Dante Gabriel Rossetti représentent un équilibre entre un certain dandysme et la capacité de création artistique. À l’époque actuelle plus encore qu’au XIXe siècle, le dandysme peut être une réaction en quelque sorte esthétique contre les sollicitations émotionnelles abusives et l’hyperémotivité ambiante – d’où la froideur affectée du dandy. Toutefois, la logique du dandysme reste pathologisante, c’est une logique de l’auto-mise à l’écart et du mépris des liens sociaux. Certes, tous les dandys ne sont pas [encore] fous, mais le dandysme rend fou.
Il n’y a pas de dandysme sans narcissisme. Un extrait de Maurice Barrès le montre tant par le fond que par la forme littéraire qui est la sienne : « À certains jours, se disait-il, je suis capable d’installer, et avec passion, les plans les plus ingénieux, imaginations commerciales, succès mondains, voie intellectuelle, enviable dandysme, tout au net, avec les devis et les adresses dans mes cartons. Mais aussitôt par les Barbares sensuels et vulgaires sous l’œil de qui je vague, je serai contrôlé, estimé, coté, toisé, apprécié enfin; ils m’admonesteront, reformeront, redresseront, puis ils daigneront m’autoriser à tenter la fortune; et je serai exploité, humilié, vexé à en être étonné moi-même, jusqu’à ce qu’enfin, excédé de cet abaissement et de me renier toujours, je m’en revienne à ma solitude, de plus en plus resserré, fané, froid, subtil, aride et de moins en moins loquace avec mon âme. » (Le culte du moi I. Sous l’œil des Barbares). L’écriture – on le voit chez Barrès – fait partie du fétichisme du dandy; c’est pour lui une façon de s’aimer narcissiquement.
Le dandy se fait parfois aussi collectionneur. C’est encore une des formes de son fétichisme. Pierre-Marc de Biasi a prétendu que la mise en scène de collectionneurs dans les livres de Balzac constitue une compensation de « l’échec de la satisfaction sexuelle par la division fétichiste du plaisir ». La « collectionnite » du dandy peut notamment être collection de rencontres prostitutionnelles. Le dandy ne recherche pas une compagne, ni plusieurs amantes – les femmes l’ennuient parce que l’altérité l’ennuie – il recherche des jeux de miroirs, et la prostituée, par la multiplicité des désirs qu’elle « centralise », dont elle est, en d’autres termes, le réceptacle, parvient bien à donner la réplique au dandy. Par son biais, il s’opère en sorte un transfert de centralité au profit du dandy. Avec la prostituée, le dandy en a, dans tous les sens du terme, pour son argent. La marchandisation, il l’a, la fétichisation du corps, le sien et celui de la femme, il l’a. L’anhistoricité de son acte, il l’a. La séduction et l’esquive, il l’a. Fausse séduction et vraie esquive bien sûr. Mais n’est-ce pas exactement ce qu’il recherche ? Sauf accident, qui serait l’apparition d’un don ou d’un contre-don, le dandy a donc tout ce dont il a besoin pour alimenter son autoportrait. La prostituée, à la fois « duchesse » et « grisette », soumise et maîtresse du jeu, satisfait aussi le goût du dandy pour le brouillage des identités tout autant que pour la généralisation de l’échange marchand. Il y a là une fascination dans laquelle Georg Simmel voyait une antidote à l’angoisse du pur objet (Philosophie de l’argent, 1903).
Le dandysme comme ennui de l’autre
Dans tous les cas, le dandy est un personnage à qui il n’arrive rien, au sens où il n’est jamais changé, jamais affecté par ce qui lui arrive; il n’est pas sujet à de vraies émotions, et encore moins à de vrais changements de direction de vie. Le dandy n’est d’ailleurs pas sujet du tout, il est l’objet de son dandysme, le dandysme l’agit, il est la femelle de son dandysme. C’est pourquoi À rebours, le roman de Huysmans dont le personnage est Les Esseintes est un roman « sans action ni dialogue ». Pour le dandy, il ne se passe jamais rien.
Le dandy est fétichiste. La fétichisation des morceaux du corps, et du corps en morceaux correspond aussi à cette fascination exercée par la prostitution. Pour le fétichiste, c’est précisément la valeur d’échange qui est plus fascinante que la valeur d’usage. La femme peut aussi représenter, comme Salomé dans À Rebours de Huysmans « la déité symbolique de l’indestructible Luxure, la déesse de l’immortelle Hystérie, la Beauté maudite ». Là encore, il s’agit d’esquisser, et non de représenter : Salomé n’est pas l’hystérie mais sa déesse. Esquisser et esquiver : le goût de l’hystérique est dans l’inachèvement. Aucun aboutissement n’est possible. L’hystérique est hors désir : si le mélancolique peut être au delà du désir, – il l’a expérimenté et il l’a déposé dans un passé qui n’est plus –, l’hystérique est en deçà.
L’ennui est la coquetterie du dandy. C’est son fétiche. Mais quand il n’y a que de l’ennui, il n’y a pas forcément dandysme, il peut n’y avoir que la simple figure du bohème, celui qui rechigne à s’engager dans le monde, qui est chichiteux, en somme, quant aux prises de parti dans le domaine professionnel, amoureux, politique, sociétal. C’est en ce sens que le bohème se cherche voire se dérobe au sens de l’esquive et de la latéralité dandyste. Mais le terme bohème désigne plutôt un mode de vie alors que dandy désigne une organisation de la personnalité.
C’est naturellement un ennui de l’autre qu’éprouve le dandy, puisque l’autre ne l’intéresse pas bien qu’il en ait besoin continuellement comme miroir. C’est le cas échéant un ennui de la femme (comme figure de l’autre). L’ennui a l’avantage pour le dandy d’être auto-référentiel. Il est aussi inspiré du modèle culturel féminin de l’attente, l’attente du prince charmant irréel, le réel n’étant « jamais assez bien ». Le dandy prétend réagir à l’ écœurement d’un monde où « tout se répète » mais c’est surtout lui qui ne sait pas se renouveler.
Qu’est ce que l’ennui ? Le sentiment de non implication dans le monde, un sentiment de non responsabilité de soi. Le dandy vit avec un sentiment d’étrangeté au monde – alors que le monde est, que cela plaise ou non au dandy, le seul accès au soi (il n’y a pas de « soi intérieur », de soi hors monde, hors l’épreuve du monde et les preuves du monde).
Le rapport du dandy au monde, c’est un romantisme dans le plus mauvais sens du terme. C’est le roman préféré à la vie. C’est une « neurasthénie délicate » (Émilien Carassus). C’est pourquoi, si le dandy se veut élégant, il n’est jamais, dans la mesure où il n’aime personne, « un vrai gentleman », comme le remarqua William Maginn.
L’incertitude identitaire de celui qui s’ennuie se voit bien dans ce propos de Barbey d’Aurevilly : « Je ne sais pas ce que j’aurais donné ce soir pour ne pas être moi-même ». Attention : ce dont il est question n’est pas la panique du phobique qui ne supporte pas la centralité qu’il pense devoir assumer et dont il surestime l’impact. L’ennui, c’est l’ère du vide et ce n’est donc ni la phobie ni le tourment des passions. Léo Bersani disait que le dandysme était « une forme d’individualité non personnelle ». Comme la femme fatale, le dandy n’est personne. À la chaleur des passions, le dandy préfère l’ennui froid. Ennui de s’être perdu lui-même. Froideur de ne pouvoir s’aimer, et ainsi de pouvoir aimer les autres. Une hystérie blanche comme nous l’avons écrit plus haut.
Dans le mélange d’apparaître et de retrait, et de dérobade du dandy, il y a un problème de distance. Le dandy n’a pas la bonne distance de celui qui a vécu, le dandy a le figé de celui qui ne peut s’engager dans le monde mais ne peut néanmoins plus se prévaloir de sa juvénilité. Le dandy met trop de distance dans ses relations sociales, distance à lui, distance aux autres, mais il a peur de cette distance et tente de l’apprivoiser par des pirouettes. C’est le cas du style dandy.
Noël Rivière
29 octobre 2009
Le dandy est apparu aux temps modernes. Il a été une réponse maladroite au nihilisme d’un monde de l’argent entendu comme « un bien sans qualité » (Georg Simmel), une réponse qui ne permettait en aucun cas de surmonter ce nihilisme. Il tend à disparaître aux temps hypermodernes, société des tribus où le jeu avec la centralité n’a plus guère de sens car celle-ci est partout et nulle part. Explications.
Penser le dandy, c’est penser deux choses. C’est penser la déféminisation de l’hystérie, et c’est penser sa désexualisation. Pour le comprendre, il faut d’abord faire un bref retour sur la théorie de l’hystérie, puis évoquer la figure du dandy telle qu’elle s’est constituée au XIXe siècle. Ce cheminement amènera à rencontrer des figures plus mineures de l’hystérie : le mondain, le sophistiqué, le bohème…
Faisons rapidement retour sur la théorie de l’hystérie. Après avoir été analysée, conformément à son étymologie, comme une maladie « féminine », – la maladie de la matrice -, l’hystérie a été rapprochée de la neurasthénie, au XVIIe siècle, en un mouvement qui ne faisait que reprendre une théorie du IIe siècle ap. J.-C. avec Sextus Empiricus, et elle a été étendue aux hommes.
L’hystérie a été vue sous l’angle d’une maladie neurologique par Jean-Martin Charcot (1825 – 1893). Elle concernait donc tant les hommes que les femmes. Freud a repris ce point de vue mais a resexualisé, – voire sursexualisé selon certains – l’hystérie quant à son origine, qu’il voit principalement dans des émotions sexuelles mal digérées.
L’hystérie est alors un paradigme de la maladie mentale. Un siècle plus tard, nous n’en sommes plus là, et c’est la notion même d’hystérie qui semble disparaître derrière des symptômes rattachés à d’autres pathologies. Dans ces conditions, l’hystérie peut-elle encore nous dire quelque chose de la maladie mentale ?
En tout cas, l’approche de l’hystérie en termes de paradigme ne paraît plus adéquate. C’est une approche en termes de position de vie qui retient notre attention. L’hystérie est une attitude, une position. C’est une position devant le monde et devant les autres. En cela, c’est une solution à un problème. Plus précisément c’est une tentative de solution à un problème d’économie psychique défaillante. Il s’agit d’économie psychique, et non seulement d’économie sexuelle. Ce que nous explorons ne se situe donc pas dans la lignée de la position de Freud de l’origine sexuelle de toutes les névroses donc de l’hystérie.
Comprendre à nouveaux frais l’hystérie, c’est la désexualiser. L’hystérie est une difficulté à investir les rôles sociaux, quels qu’ils soient. Nous évoquions plus haut l’idée que toute position de vie assumée constitue une tentative d’auto-thérapie. On peut estimer que l’hystérie est une « mauvaise » réponde à un vrai problème : une forme particulière de neurasthénie, l’acédie.
Il y a en effet des liens entre hystérie et acédie, exactement entre l’hystérie et une tentative de soigner une acédie, celle-ci entendue comme non pas une paresse, non pas une simple tépidité (défaillance de l’énergie, relâchement) mais au contraire comme une tension, mais une tension qui ne sait à quoi s’employer, une tension qui s’entrave elle-même et qui se heurte au non désir de soi, produisant ainsi une sorte de « tristesse sèche ».
En ce sens, Albert Camus écrivait : « Le dandysme est une forme dégradée de l’ascèse ». Il poursuivait : « Le dandy créé sa propre unité par des moyens esthétiques […] La créature jusque là recevait sa cohérence du créateur. À partir du moment où elle consacre sa rupture avec lui, la voilà livrée aux instants, aux jours qui passent, à la sensibilité disperse. Il faut donc qu’elle se reprenne en main » (L’Homme révolté, 1951). L’hystérie est une tentative d’échapper à l’acédie; elle s’inscrit dans un système global d’économie psychique. D’où l’intérêt d’étudier, au-delà de tout paradigme, les figures passées et actuelles de l’hystérie, maintenant nommée l’histrionisme.
Certaines de ces figures ont un profil assez reconnaissable. Ne négligeons pas ce que nous dit le sens commun sur l’hystérique : celui qui « fait des histoires », le coléreux pour un rien, l’acariâtre. C’est là l’hystérie rouge pourrait-on dire. Naturellement, ces caractéristiques peuvent se trouver chez d’autres types de personnalité, le psychopathe par exemple. Elles ont par contre un sens particulier chez l’hystérique, c’est le « vouloir se faire remarquer » (comme une tour que l’on voit de loin dans un paysage – ce qui pourrait amener à évoquer une hystérie architecturale), « vouloir attirer l’attention », « vouloir être au centre des préoccupations des autres ».
L’hystérique est ainsi un être qui adopte une attitude de hauteur, non pas par distance radicale avec les autres, mais pour se faire remarquer. Le succès recherché et surtout affiché, ou encore la revendication insatiable peuvent être ses moyens. L’hystérique est un phobique à l’envers, il a toujours besoin d’être sûr d’être au centre de l’attention d’autrui.
Le mondain, le dandy, le sophistiqué
Le mondain est une figure possible de l’hystérie, il veut être parmi ses pairs, du petit nombre de ceux « qui comptent ». Il y a une affectation dans l’hystérie. Le sophistiqué, le délicat, le maniéré sont d’autres figures possibles de l’hystérie, même si ces figures peuvent renvoyer aussi à d’autres personnalités pathologiques, narcissiques notamment, évitantes parfois (ce qui n’est pas le cas du mondain). Ces dernières figures, ces attitudes sont toutes tangentielles par rapport à la centralité : entendons qu’elles ne visent pas à la centralité d’une manière simple, classique, comme le mondain y vise, mais d’une manière détournée. Plus radicale est une autre figure de l’hystérique. Nous voulons parler de la figure du dandy.
Il y a trois modes de repérage possibles des hystéries : en fonction de la typification des rôles sexuels (ainsi le Don Juan…), de la symptomatologie corporelle (ainsi l’hypocondriaque…), du positionnement dans le champ social. Le dandy relève de ce troisième registre. Qu’est-ce qui caractérise le dandy ? C’est un rapport à la centralité complexe. Le dandy est obsédé par la centralité, mais toutefois il ne souhaite pas participer à celle-ci n’importe comment. Il souhaite apparaître, vu du centre, comme étant aux marges, ailleurs, « différent ». L’important pour le dandy, c’est « comment on le voit du centre ». C’est là toute la différence avec le mondain qui veut être « de ceux du centre », et non seulement au centre, et encore moins « vu du centre ». Il y a une dimension « nostrique » (la nostrité, l’appartenance au « nous », à une communauté) chez le mondain (la volonté « d’en être »). C’est une dimension d’appartenance qu’il n’y a pas chez le dandy.
Autre figure, le sophistiqué. Celui-ci est intermédiaire entre le mondain et le dandy. Il est certes, avant tout, proche du dandy. Mais sa sophistication ne constitue pas un refus aussi radical de la « nostrité » – le sentiment d’un “ nous ” – que pour le dandy. Le sophistiqué est snob d’apparence mais il est moins méprisant que le dandy. Sa sophistication est une mise à distance des autres qui ne va pas jusqu’à l’auto-mise à l’écart du dandy.
À beaucoup d’égards, le sophistiqué est proche du snob. « Il n’existe pas de snob à temps partiel ou d’intermittent du snobisme. Il s’agit d’une vocation, d’un sacerdoce, d’une carrière », écrit Jean-Noël Liaut (Petit dictionnaire du snobisme contemporain, Payot, 2006). Le terme snob vient de William MakepeaceThackeray, auteur de Barry Lindon et d’un Livre des snobs, publié en 1848. Le snob, qui tient à la fois du sophistiqué et du mondain, est d’emblée un être marqué par un décalage. Il veut paraître au dessus de ce qu’il est socialement. Il aspire, note l’historien Frédéric Rouvillois, « à un statut supérieur au sien; [c’est en ce sens] un intrus, un imitateur, un vaniteux » (Histoire du snobisme, Flammarion, 2008).
À la fin du XIXe siècle, le critique littéraire Jules Lemaître écrit que le snob est un « mouton de Panurge prétentieux, un mouton qui saute à la file, mais d’un air suffisant ». Le snob peut aussi être très proche du dandy quand ce dernier est un mondain paradoxal. Ainsi était Arthur Meyer, issu d’une famille juive, fondateur du Musée Grévin, boulevardier notoire, comploteur au côté de la royaliste duchesse d’Uzès, qui fut, au tournant des XIXe et XXe siècles, un dandy caractérisé, cherchant à dérouter par rapport à ses origines et à être où on ne l’attendait pas.
C’est ainsi que ce fils de rabbin devint catholique, antidreyfusard et royaliste. Néanmoins, il se bâtit en duel avec l’antisémite Édouard Drumont et fut attaqué par L’Action française. Il était par ailleurs patron du journal Le Gaulois, un titre qui évoque un journal populaire et qui était au contraire un quotidien peu diffusé, aristocratique et mondain, qui finira racheté par Le Figaro en 1929. Un homme de paradoxes savamment entretenus.
Arthur Meyer lui-même voyait dans le snobisme « le refuge naturel d’une société à laquelle la république a refusé toutes les réalités, et qui est condamnée à se contenter des apparences ». Il en ressort en tout cas clairement que le snobisme et le dandysme sont ici la même chose – une chose qui consiste à vouloir apparaître en écart avec les conventions. À l’extrême, et sans le talent d’Arthur Meyer, cela produit des gens en décalage mental avec leur situation réelle, dans une sorte de paraître sans être et qui vivent, en termes heideggeriens, sans authentique « être-là ».
L’attitude dandy vise à essayer d’attirer les regards mais pour dire « je ne suis pas celui que vous croyez que je suis ». Cette dérive de l’identité trouve un terrain fertile dans les temps modernes. Pourquoi ? Parce que les identités de rôle y sont de moins en moins données d’avance. Les incertitudes identitaires peuvent ainsi déployer leurs figures à foison. En outre, les sociétés démocratiques amènent à un certain nivellement apparent des mœurs. Dans le cas de ces sociétés, l’attitude dandy a pu être analysée, de manière sans doute trop complaisante, mais qui contient une part de vrai, comme « une réaction pour établir la personne humaine dans ce qu’elle a de beau, d’unique, face à une société qui tend à uniformiser, à réduire les êtres » (Michel Le Maire, Le dandysme de Baudelaire à Mallarmé, Klincksieck, 1978). C’est par réaction à cette uniformisation, et parfois par envie de situations sociales supérieures que le dandysme trouve à s’employer en mobilisant les artifices du snobisme. Il semblerait d’ailleurs que snob veuille dire « non noble » et, en ce sens, Proust parle quelque part d’une femme « snob bien que duchesse » – ce qui semble bien indiquer une antinomie.
Dans le foisonnement de ces figures, la moins hystérique est le mondain, qui est dans le registre d’un certain plaisir de la vie sociale (cf. le poème de Voltaire qui porte ce nom), puis vient le sophistiqué qui correspond à une hystérie plus grande, ou en tout cas à une névrose plus prononcée, puis enfin le dandy, qui est dans l’esquive permanente, et dans l’hystérie la plus pathologique.
Qu’est-ce à dire quand nous parlons de figures plus ou moins hystériques ? C’est ici qu’il est nécessaire de revenir sur la symptomatologie complexe de l’hystérie. Elle n’est pas spectaculaire. Nous avons tous en tête l’image de l’hystérique comme celui, celle qui « en fait trop ». Mais l’hystérie peut être discrète. Et le dandy se rapproche alors de la discrétion de l’hystérie quotidienne. Petite description phénoménale de cette dernière. Une femme entre dans une rame de métro. Habillée en rouge. Elle se précipite vers une place assise, et ouvre immédiatement, visiblement en état d’urgence, la fenêtre pour avoir plus d’air. Sans bien sûr demander si cela gène quelqu’un (nous sommes en mai, ce n’est pas la canicule). Elle se rassoie, serre ses sacs contre elle, sourit (se sourit à elle-même), témoignant du sentiment d’avoir réussi sa mission : trouver une place, l’aménager, s’y installer. Trente secondes plus tard, elle baille ostensiblement (l’ennui arrive vite chez l’hystérique). Puis son vis-à-vis se lève, elle se précipite alors pour s’asseoir à la place laissée vacante, le tout rigide, lèvres serrées. C’est cela l’hystérie : surjouer le quotidien et le banal, et exactement surjouer l’instant, bien plus souvent que « faire des crises d’hystérie » même si cela peut être une modalité. L’hystérique surjoue l’instant car « l’instant est le sommet de la centralité ».
La fausse concision du style dandy
À la discrétion de l’hystérie quotidienne répond la sobriété du style dandy. Le style dandy, ce n’est pas l’extravagance, celle par exemple des Merveilleuses du Directoire, extravagance toute dans la centralité et dans une sorte d’égalitarisme de la centralité. Ce qui caractérise le style dandy, c’est la sobriété. Mais il y a dans cette sobriété quelque chose de décalé. Cette sobriété est une fausse concision. Elle est elliptique. Il y a ainsi, dans le dandysme littéraire, un « reste à dire », et, dans le dandysme vestimentaire, un subtil décalage qui dit : « Je ne suis pas là où vous croyez. Et je ne suis pas celui que vous croyez ». Le dandy aime le simulacre, et tout particulièrement le simulacre du naturel, le faussement négligé par exemple.
Au plan littéraire, le dandysme est toujours de l’auto-narration. Le sujet et l’auteur sont mélangés. Tout est peu ou prou auto-portrait chez le dandy. Le dandy affectionne la litote, celle-ci qui est, relève Clément Rosset, « la caricature du secret, ou encore son échec, puisque la chose que l’on prétend voiler y est, non pas dissimulée ou diminuée, mais au contraire présentée sur un plateau et proposée, démesurément grossie, au spectacle universel » (Le réel. Traité de l’idiotie, Minuit, 2004).
Remarquons la fausse concision du style littéraire dandy maintenant. C’est le fait que l’abondant, le florissant, auxquels on pourrait s’attendre (le baroque en d’autres termes) sont remplacés par un style « court », qui, à défaut d’être vigoureux, est une forme brève de la grandiloquence. C’est une hystérie discrète, une sorte d’hystérie blanche. Le dandy porte des masques. Mais ceux-ci ne cachent pas une personnalité secrète – un secret romantique, une sombrerie, ni même des personnalités multiples -, ils masquent plutôt l’absence de personnalité.
Ce qui tient lieu de personnalité au dandy, c’est le fétichisme. Pour le dandy, sa singularité se joue socialement et lui tient lieu d’identité. Le dandy ne s’approprie pas son propre désir; il vit à travers le regard des autres. Sa singularité est validée par et seulement par le regard des autres. Pour le dandy, l’autre ne sert qu’à cela : servir de miroir. Conséquence : l’autre au sens de la concrétude d’une autre personne humaine n’existe tout simplement pas pour le dandy. Le dandy est en un sens rabattu sur son identité idem et non sur son identité ipsé, mais ce qui compte pour lui, c’est moins son rôle réel que celui que lui attribuent les autres.
Le dandy est un être à regarder, il érotise son « être vu » qui est un « être à voir ». La panne identitaire du dandy l’amène à sans cesse surenchérir dans le déploiement du style (cf. Françoise Coblence, Le Dandysme. Obligation d’incertitude, P.U.F., 1988 et « Le dandysme et la règle » in Alain Montandon directeur, L’honnête homme et le dandy. Études littéraires françaises, Günter-Narr Verlag, Tübingen, 1993). Le dandy aime la parade : c’est une « vamp » masculine. Ce qu’il aime dans la parade, c’est le signifiant, pas le signifié : les signes de la virilité par exemple, pas son exercice. (En ce sens on peut considérer que H.P. Lovecraft était exactement un dandy comme le montre Lyon Sprague de Camp, H.P. Lovecraft. Le Roman de sa vie, Durante, 2002).
Ce qui importe au dandy, c’est comment on le considère socialement. Le dandy refuse tout échange social normal, il organise les conditions pour que tout don n’entraîne jamais un contre-don, pour prendre chacun à rebours. Exemple : quelqu’un signala une fois à Brummell qu’il le trouvait fort élégant. Réponse de Brummell : « Hélas non, puisque vous l’avez remarqué ». L’attitude du dandy est de chercher à être remarqué mais en faisant toujours la « fine bouche », ce qui est bien sûr une position « féminine », entendons par là, une position correspondant à la représentation sociale de la position féminine.
Chose importante, cette attitude va avec un antiféminisme théorique fort : le dandy se veut un être « froid » à l’opposé de la « chaleur » féminine et de ses « pleurs ». Barbey d’Aurevilly nous dit que le dandy voit les femmes comme de « dramatiques machines à larmes ». De fait, l’antiféminisme du dandy est radical, bien que lui-même représente plus un troisième sexe que le sexe masculin. Mais précisément, si le dandy était homme, il se distinguerait de la femme sans avoir à la haïr.
L’antiféminisme du dandy est lié à sa haine de la « nature », à sa détestation de la « campagne ». Baudelaire écrit : « La femme est le contraire du dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim et elle veut manger. Soif, et elle veut boire. Elle est en rut et elle veut être foutue. Le beau mérite ! La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c’est-à-dire le contraire du Dandy » (Mon cœur mis à nu. Journal intime). Le dandy déteste la femme mais il vomit aussi l’amour, qu’il renvoie à la perte de l’identité individuelle. Même jouissant, le dandy reste un avare et un coquet.
Offert, mais imprenable, le dandy fait de lui-même un objet de consommation. Son désir, c’est d’être désiré, et c’est même là son seul désir. Il esthétise la vie sociale elle-même en même temps qu’il l’érotise. L’essence du dandysme n’est aucunement, comme croit pouvoir l’avancer Michel Onfray, « la rébellion perpétuelle, le refus du grégarisme, l’éloge de l’individu, l’insoumission permanente » (Le désir d’être un volcan. Journal hédoniste, 1998). D’une part, le dandy est bien trop froid pour être comparable à un volcan, d’autre part il n’est ni un anarchiste, ni un rebelle, ni un « sculpteur d’énergie » comme aimerait le croire Onfray. Il n’est ni l’anarque de Jünger, ni Napoléon, ni Stendhal. Le dandy a le souci de l’ordre – un souci exactement maniaque au sens médical du terme. « L’écriture ponctue, structure, rachète une débauche solitaire, sans en sortir, sans jamais viser, ne fût-ce que par l’imagination, un ailleurs réel » (Michel Beaujour, Miroirs d’encre. Rhétorique de l’autoportrait, Le Seuil, 1980).
Le dandy suppose un certain style de société : il faut que l’aristocratie soit en déclin et que la démocratie ne soit pas pleinement installée. Hors ces conditions, l’extravagance a plus sa place que le dandysme à proprement parler. Mais la vanité mêlée de recherche d’originalité trouve toujours à s’employer. Barbey a ainsi pu parler de dandy d’avant le dandysme pour le duc de Lauzun, petit marquis devenu favori de Louis XIV, et on peut bien sûr trouver maints exemples de dandys d’après le dandysme.
Mais la catégorie de dandy ne saurait être étendue sans discernement. Elle perdrait alors toute valeur en tant que forme de personnalité hystérique-histrionique. Ainsi, on peut douter que le prince Charles-Joseph de Ligne, militaire de valeur, écrivain, homme de contacts suivis avec ses pairs ait quelque chose à voir avec le dandysme : il ne suffit certainement pas d’être brillant pour être dandy, il faut être un inadapté social – et ce n’est pas donné à tout le monde !
Fils de personne
Le dandy est à l’écart de toute vraie collectivité humaine. Le dandy est « fils de personne ». Il nie les filiations, dans le sens ascendant comme descendant. Laisser des traces, non, brouiller les pistes, oui. Le dandy s’abstrait du poids de l’histoire. Il brouille aussi les appartenances sociales : elle n’est ni bourgeois ni prolétaire. Pas plus qu’il ne croit à l’histoire, le dandy ne croit à la nature. Le romantisme de la nature ? Très peu pour lui. Ni croyance au progrès ni souci d’un quelconque ordre naturel : le dandy n’est ni conservateur ni progressiste.
La vision du monde du dandy est ainsi une clé de compréhension du style qu’il adopte. Le dandy voit le monde en esthète, et il le trouve laid. Voir en esthète ce qui relève du pratique permet de se donner le « luxe » de prendre un air dégoûté. Le dandy privilégie les figures marginales de ce monde : l’« Apache » en 1900, le milieu « underground » de nos jours.
Conscient de l’uniformisation croissante du monde et des modes, le dandy réagit à cela, non par une extravagance générale mais par des particularités fétichistes. Il se veut œuvre d’art résolument fragmentaire, et non microcosmique; il se veut à l’instar de la toile du peintre mise dans un cadre, comme ce cadre qui est partie intrinsèque de l’œuvre d’art et extrinsèque de la nature (cf. Kant, Critique du jugement).
Le dandy n’est pas « pittoresque » non plus qu’il ne se veut « authentique ». Il a « le besoin ardent de se faire une originalité » écrit Baudelaire (À noter que Baudelaire lui-même fut qualifié de « Boileau hystérique » par le critique Alcide Dusolier qui admirait son style sans partager son esprit). Le dandy n’est jamais naturel, et c’est son point commun avec le puritain. Il ne copie rien, mais il parodie tout. Il brouille la distinction entre l’original et la copie. Il joue pour cela tout particulièrement sur l’ambiguïté du romantisme et du thème mélancolique. Il y a quelque chose de faisandé chez le dandy. L’esthétisation du tragique est la grande ressource du dandy, dans laquelle il puisse pour orchestrer son style.
Cette esthétisation recherchée par le dandy est trop extrême pour ne pas donner de contre-effets. Ainsi, au plan vestimentaire, le dandy, à force de vouloir apparaître « distingué » finit par paraître surtout « décalé ». En même temps le dandy a bien vu, mieux que le mondain, que notre société n’a plus vraiment de centre, du moins fait vivre une pluralité de ceux-ci, circonstanciels, éphémères, en adéquation à des milieux et des stratégies qui ne durent qu’un temps. L’obsession de la centralité du dandy est donc doublement particulière : elle consiste à être fasciné « à rebours » donc à chercher à être en vue des marges, marges « à la mode », marges « branchées », des marges qui sont en fait des centralités périphériques; mais l’obsession « anti-centriste » (le dandy ne veut pas être au centre si le centre est le lieu de la banalité) du dandy est aussi en butte à l’incertitude sur ce que sont les marges et les centres ; d’où le fait que, à partir de 1848 et de l’entrée dans la modernité, le dandy est avant tout – et paradoxalement – un homme des foules.
***
Il y a une topologie particulière du dandy au XIXe siècle. Le dandy d’alors aime les « salons » puisqu’ils ont pour fonction de désennuyer et que la menace de l’ennui fait partie de l’arsenal du dandy. Il aime aussi les clubs, car on y joue sa visibilité de la centralité mais ce dans un cadre pré-choisi. Le dandy glisse alors vers le mondain. Il y a là ce que Robert Kempf appelle « une double postulation vers le cloître et la scène » (Roger Kempf, Dandies. Baudelaire et Cie, Points-Seuil, 1984). Mais le dandy peut aussi aimer laisser entrevoir l’ellipse de sa singularité dans la foule anonyme ou tout milieu anonyme. C’est là même tout son jeu – un jeu non conscient – proprement hystérique : se montrer, séduire et plus encore se laisser séduire (posture féminine qu’il prise), puis se dérober. Jeu de cache-cache infantile. Le style du dandy c’est apparaître, disparaître, et laisser une aura.
Bien entendu, le dandy ne peut travailler avec les autres, il est inapte à des relations de travail avec autrui, qui supposent engagement et fiabilité. Pour le dandy, « tout ce qui est utile est laid » comme écrit Théophile Gauthier (préface à Mademoiselle de Maupin). Tout travail utile est donc laid.
Toujours au XIXe siècle, le dandy est le promeneur de Baudelaire qui met sa singularité à l’épreuve du non sens de la société de masse, fasciné par la marchandise et, déjà, le fétichisme de la marchandise. Quand le dandy se fait homme des foules, il est toujours en retrait (cf. Henriette Levillain, L’esprit dandy. De Brummell à Baudelaire, José Corti, 1991). L’écriture d’esquisses, de croquis où il se tient à distance de lui-même peut lui tenir lieu de rôle. À l’occasion, le dandy préférera le « peu » du livre – de préférence sans lecteurs – au « trop » du journalisme. L’essentiel pour le dandy est de ne jamais s’engager vraiment, de refuser l’épaisseur et le poids des choses.
Combler le vide en se tenant à distance de lui-même : c’est cela la méthode du dandy. « Le Dandy doit aspirer à être sublime, sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir » (Baudelaire). « Un dandy, écrit-il encore dans un article consacré à Constantin Guys [peintre à propos duquel Baudelaire rédige les essais Le peintre de la vie moderne], peut être un homme blasé, peut être un homme souffrant; mais, dans ce dernier cas, il sourira comme le Lacédémonien sous la morsure du renard. » De son côté, Barbey d’Aurevilly écrivait : « J’ai, parfois dans ma vie, été bien malheureux, écrivait, mais je n’ai jamais quitté mes gants blancs. » Une attitude que les Anglais résument par la formule : Never explain, never complain. Mais ce serait trop tirer le dandy vers le stoïcien que d’en rester là. Le vrai stoïcien est à l’opposé du narcissisme du dandy.
Albert Camus remarquait : « “ Vivre et mourir devant un miroir ” », telle était, selon Baudelaire, la devise du dandy. Elle est cohérente, en effet. Le dandy est par fonction un oppositionnel. Il ne se maintient que dans le défi » (L’Homme révolté). L’archétype du dandy tel qu’il s’est définit au XIXe siècle c’est George Bryan Brummell (1778 – 1840). Le beau Brummell, d’origine modeste, fut un arbitre de la mode, ami du Prince de Galles, créateur de costume et esprit sarcastique. Il mourut ruiné après avoir fait de la prison pour dettes. Sa vie inspira Jules Barbey d’Aurevilly qui publia Du dandysme et de George Brummell en 1945.
À cette date, Barbey est sur le point de se convertir au catholicisme. Il a abandonné les idées libérales de sa jeunesse pour se rapprocher des idées de Joseph de Maistre, doctrinaire de la Contre-Révolution. Son ouvrage sur Brummell est en vérité « le texte de son propre dandysme » comme écrit Frédéric Schiffter, auteur de fins essais sociétaux (notamment une Lettre sur le dandy, une Métaphysique du frimeur, une Lettre sur l’élégance, une préface à Du dandysme de Barbey).
Comme Brummell, Barbey cherche à se « froidir » – à paraître froid. Il rappelle le principe de Brummell : restez dans le monde tant qu’on n’a pas produit d’effet, disparaître dés qu’on a produit un effet sur la société qui nous environne. Étonner plus que plaire vraiment. Garder son sang froid. Être caustique, mais sans verve puisque celle-ci serait réservée aux passions et que le dandy n’en a pas. Savoir user du silence comme du bon goût de la fierté. Rester stoïque au point d’être parfois un martyr de la légèreté. N’accepter ne n’être fouetté que par sa propre vanité. Ne jamais rien donner aux autres et, en conséquence, en recevoir peu ou rien et ainsi être sûr de ne jamais rien perdre. N’être aimé que par spasmes. Aimer la distance non par pudeur mais parce qu’elle permet d’être fugitif. Être ainsi un rejeté-rejetant, incompris-incompréhensible. L’ambition – car c’est bien de cela qu’il s’agit – de l’hystéro-dandy est d’être « impossible » (cf. Françoise Dolto, Le dandy solitaire et singulier suivi de Le dandy une figure de proue, Gallimard – Le Mercure de France, 1999). Soyons assuré qu’il y arrive.
La posture initiale de Brummell est toute de retenue, sobriété vestimentaire mais avec chic, sobriété de langage, pas d’engagement politique, absence de frasques sexuelles. La différence est grande avec des dandys tel lord Byron, ou, plus tard, Oscar Wilde. Comme le souligne Otto Mann, auteur de Der moderne Dandy (1925), il n’y a chez le dandy, à l’origine, rien de flamboyant mais une recherche d’équilibre – un équilibre qui se veut toutefois au dessus de la société moyenne de son temps, jugée médiocre (cf. aussi Günter Erbe, Dandys. Virtuosen der Lebenskunst, Böhlau-Verlag GmbH, Cologne, 2002). En Allemagne, la figure du dandy est proche de celle, peu flatteuse, du Petit Bossu. Une chanson dit : « Es-tu amoureux,/ lascif d’amour/ laisse moi, mon beau / voir de quoi tu as l’air? -/ Pfui! poilu,/ dandy bossu !/ Noiraud, calleux/ nain sulfureux!/ Cherche toi une fille,/ à qui tu plais! »
Le sentiment de médiocrité des temps présents qui affecte le dandy – à moins qu’il n’affecte seulement d’éprouver ce sentiment – se nourrit de la nostalgie d’une société plus haute comme chez Joseph Addison et Richard Steele (Les beautés du spectateur, 1801) qui exhortent à retrouver paideia (éducation au sens de formation de l’homme) et humanitas.
Dans cette perspective, William Morris, John Ruskin, Dante Gabriel Rossetti représentent un équilibre entre un certain dandysme et la capacité de création artistique. À l’époque actuelle plus encore qu’au XIXe siècle, le dandysme peut être une réaction en quelque sorte esthétique contre les sollicitations émotionnelles abusives et l’hyperémotivité ambiante – d’où la froideur affectée du dandy. Toutefois, la logique du dandysme reste pathologisante, c’est une logique de l’auto-mise à l’écart et du mépris des liens sociaux. Certes, tous les dandys ne sont pas [encore] fous, mais le dandysme rend fou.
Il n’y a pas de dandysme sans narcissisme. Un extrait de Maurice Barrès le montre tant par le fond que par la forme littéraire qui est la sienne : « À certains jours, se disait-il, je suis capable d’installer, et avec passion, les plans les plus ingénieux, imaginations commerciales, succès mondains, voie intellectuelle, enviable dandysme, tout au net, avec les devis et les adresses dans mes cartons. Mais aussitôt par les Barbares sensuels et vulgaires sous l’œil de qui je vague, je serai contrôlé, estimé, coté, toisé, apprécié enfin; ils m’admonesteront, reformeront, redresseront, puis ils daigneront m’autoriser à tenter la fortune; et je serai exploité, humilié, vexé à en être étonné moi-même, jusqu’à ce qu’enfin, excédé de cet abaissement et de me renier toujours, je m’en revienne à ma solitude, de plus en plus resserré, fané, froid, subtil, aride et de moins en moins loquace avec mon âme. » (Le culte du moi I. Sous l’œil des Barbares). L’écriture – on le voit chez Barrès – fait partie du fétichisme du dandy; c’est pour lui une façon de s’aimer narcissiquement.
Le dandy se fait parfois aussi collectionneur. C’est encore une des formes de son fétichisme. Pierre-Marc de Biasi a prétendu que la mise en scène de collectionneurs dans les livres de Balzac constitue une compensation de « l’échec de la satisfaction sexuelle par la division fétichiste du plaisir ». La « collectionnite » du dandy peut notamment être collection de rencontres prostitutionnelles. Le dandy ne recherche pas une compagne, ni plusieurs amantes – les femmes l’ennuient parce que l’altérité l’ennuie – il recherche des jeux de miroirs, et la prostituée, par la multiplicité des désirs qu’elle « centralise », dont elle est, en d’autres termes, le réceptacle, parvient bien à donner la réplique au dandy. Par son biais, il s’opère en sorte un transfert de centralité au profit du dandy. Avec la prostituée, le dandy en a, dans tous les sens du terme, pour son argent. La marchandisation, il l’a, la fétichisation du corps, le sien et celui de la femme, il l’a. L’anhistoricité de son acte, il l’a. La séduction et l’esquive, il l’a. Fausse séduction et vraie esquive bien sûr. Mais n’est-ce pas exactement ce qu’il recherche ? Sauf accident, qui serait l’apparition d’un don ou d’un contre-don, le dandy a donc tout ce dont il a besoin pour alimenter son autoportrait. La prostituée, à la fois « duchesse » et « grisette », soumise et maîtresse du jeu, satisfait aussi le goût du dandy pour le brouillage des identités tout autant que pour la généralisation de l’échange marchand. Il y a là une fascination dans laquelle Georg Simmel voyait une antidote à l’angoisse du pur objet (Philosophie de l’argent, 1903).
Le dandysme comme ennui de l’autre
Dans tous les cas, le dandy est un personnage à qui il n’arrive rien, au sens où il n’est jamais changé, jamais affecté par ce qui lui arrive; il n’est pas sujet à de vraies émotions, et encore moins à de vrais changements de direction de vie. Le dandy n’est d’ailleurs pas sujet du tout, il est l’objet de son dandysme, le dandysme l’agit, il est la femelle de son dandysme. C’est pourquoi À rebours, le roman de Huysmans dont le personnage est Les Esseintes est un roman « sans action ni dialogue ». Pour le dandy, il ne se passe jamais rien.
Le dandy est fétichiste. La fétichisation des morceaux du corps, et du corps en morceaux correspond aussi à cette fascination exercée par la prostitution. Pour le fétichiste, c’est précisément la valeur d’échange qui est plus fascinante que la valeur d’usage. La femme peut aussi représenter, comme Salomé dans À Rebours de Huysmans « la déité symbolique de l’indestructible Luxure, la déesse de l’immortelle Hystérie, la Beauté maudite ». Là encore, il s’agit d’esquisser, et non de représenter : Salomé n’est pas l’hystérie mais sa déesse. Esquisser et esquiver : le goût de l’hystérique est dans l’inachèvement. Aucun aboutissement n’est possible. L’hystérique est hors désir : si le mélancolique peut être au delà du désir, – il l’a expérimenté et il l’a déposé dans un passé qui n’est plus –, l’hystérique est en deçà.
L’ennui est la coquetterie du dandy. C’est son fétiche. Mais quand il n’y a que de l’ennui, il n’y a pas forcément dandysme, il peut n’y avoir que la simple figure du bohème, celui qui rechigne à s’engager dans le monde, qui est chichiteux, en somme, quant aux prises de parti dans le domaine professionnel, amoureux, politique, sociétal. C’est en ce sens que le bohème se cherche voire se dérobe au sens de l’esquive et de la latéralité dandyste. Mais le terme bohème désigne plutôt un mode de vie alors que dandy désigne une organisation de la personnalité.
C’est naturellement un ennui de l’autre qu’éprouve le dandy, puisque l’autre ne l’intéresse pas bien qu’il en ait besoin continuellement comme miroir. C’est le cas échéant un ennui de la femme (comme figure de l’autre). L’ennui a l’avantage pour le dandy d’être auto-référentiel. Il est aussi inspiré du modèle culturel féminin de l’attente, l’attente du prince charmant irréel, le réel n’étant « jamais assez bien ». Le dandy prétend réagir à l’ écœurement d’un monde où « tout se répète » mais c’est surtout lui qui ne sait pas se renouveler.
Qu’est ce que l’ennui ? Le sentiment de non implication dans le monde, un sentiment de non responsabilité de soi. Le dandy vit avec un sentiment d’étrangeté au monde – alors que le monde est, que cela plaise ou non au dandy, le seul accès au soi (il n’y a pas de « soi intérieur », de soi hors monde, hors l’épreuve du monde et les preuves du monde).
Le rapport du dandy au monde, c’est un romantisme dans le plus mauvais sens du terme. C’est le roman préféré à la vie. C’est une « neurasthénie délicate » (Émilien Carassus). C’est pourquoi, si le dandy se veut élégant, il n’est jamais, dans la mesure où il n’aime personne, « un vrai gentleman », comme le remarqua William Maginn.
L’incertitude identitaire de celui qui s’ennuie se voit bien dans ce propos de Barbey d’Aurevilly : « Je ne sais pas ce que j’aurais donné ce soir pour ne pas être moi-même ». Attention : ce dont il est question n’est pas la panique du phobique qui ne supporte pas la centralité qu’il pense devoir assumer et dont il surestime l’impact. L’ennui, c’est l’ère du vide et ce n’est donc ni la phobie ni le tourment des passions. Léo Bersani disait que le dandysme était « une forme d’individualité non personnelle ». Comme la femme fatale, le dandy n’est personne. À la chaleur des passions, le dandy préfère l’ennui froid. Ennui de s’être perdu lui-même. Froideur de ne pouvoir s’aimer, et ainsi de pouvoir aimer les autres. Une hystérie blanche comme nous l’avons écrit plus haut.
Dans le mélange d’apparaître et de retrait, et de dérobade du dandy, il y a un problème de distance. Le dandy n’a pas la bonne distance de celui qui a vécu, le dandy a le figé de celui qui ne peut s’engager dans le monde mais ne peut néanmoins plus se prévaloir de sa juvénilité. Le dandy met trop de distance dans ses relations sociales, distance à lui, distance aux autres, mais il a peur de cette distance et tente de l’apprivoiser par des pirouettes. C’est le cas du style dandy.
Noël Rivière
LES PARISIENNES DE 1830
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)
La tenue des hommes à ces bals de l'Opéra était sévère ; presque tous adoptaient le costume noir de bal ; le plus grand nombre chaussait le bas de soie
noir ou brun ; quelques-uns, qui avaient adopté le pantalon collant, montraient des boucles en or carrées sur leurs souliers. Parmi les dames, les dominos étaient en immense majorité ; dominos blancs, dominos bleus, dominos roses, dominos noirs surtout. Plusieurs spectatrices dans les loges ne portaient pas de capuchon ; elles étaient coiffées avec des marabouts ou des guirlandes de feuilles ou de fleurs ; des loups à large bande de tulle brodé ou uni ; quelques excentriques avaient remplacé le domino par des sortes de simarres ouvertes sur le devant en satin broché ou en satin de Perse.
La jeunesse des écoles avait peu à peu révolutionné la danse française dans les réunions de la Grande Chaumière ; aux mouvements élégants, lentement développés de l'exquise gavotte de nos pères, ils avaient substitué un pas frénétique, épileptique, parfois indécent, qu'on baptisa du nom de chahut. Du quartier Latin cette danse sauvage et égrillarde s'était étendue dans le peuple et même chez les dandys ; on la vit fleurir à l'Opéra et principalement aux bals des Variétés. Cette danse stupide ne nous a plus quittés.
Dans les premières années du règne de Louis-Philippe, les bals de l'Opéra étaient fréquentés par la meilleure compagnie et tout s'y passait d'une manière décente et courtoise. Les étrangers admiraient le goût de ces fêtes, la grâce et le
Une idylle à l'Abbaye de Longchamps (1836)
bon ton des Parisiennes, s'étonnant même que dans une telle confusion, dans une cohue si prodigieuse, on pût apprécier cette grande égalité qui dénotait le caractère de la nation. Ce ne fut guère qu'en 1835 que les bals de l'Opéra dégénérèrent en licencieuses manifestations. Un lord richissime, lord Seymour, que l'on vantait pour ses prodigalités sur les boulevards, où il jetait à la foule de l'or à pleines mains, des dragées et des boniments insensés, Milord l'Arsouille, tel était son surnom populaire, apporta tout à coup dans Paris comme un vent de folies crapuleuses et d'orgies désordonnées.
En 1836, on organisa des mascarades satiriques de Louis-Philippe, de ses ministres et de ses magistrats ; on remuait l'instinct frondeur de la foule. Pendant tout le carnaval, lord Seymour, un dandy qui aurait pu être un fort de la halle, tenait son quartier général aux Vendanges de Bourgogne ; c'est là que l'armée de la folie prenait ses mots d'ordre. Les masques, mâles et femelles, auxquels il prodiguait ses écus et ses horions, se livraient, sur son ordre, aux danses sauvages, aux festins, aux bacchanales les plus grossières. – On vit alors des fameuses Descentes de la Courtine, ces hordes de masques dépenaillés qui se ruaient sur la ville, ces chicards, ces débardeurs, ces paillasses, ces charlatans qui du haut de leurs chars haranguaient la foule et faisaient du boulevard la
La fashion au Jardin du Palais-Royal (1837)
succursale des journées carnavalesques les plus houleuses du Corso romain.
Ce besoin de se distraire, de noyer la tristesse, d'agiter tous les grelots de la folie, se retrouvait dans les bals champêtres de Paris et de la banlieue. Après le choléra de 1832, qui éclata le jour de la mi-carême et qui fit tant de victimes, on se rua au plaisir avec une philosophie anacréontique; on dansa à Tivoli qui existait encore, à l'Ermitage, à l'Élysée-Montmartre, aux Montagnes françaises, à la Grande Chaumière, ce paradis des étudiants où bouillonnaient et fermentaient toutes les passions politiques et sensuelles, où l'on devinait surtout le germe latent de toutes les révolutions futures, littéraires et gouvernementales.
Maintenant, si l'on montait en coucou sur la place de la Concorde par quelque beau soir d'été, on arrivait au parc de Saint-Cloud où l'on trouvait un bal qui pouvait hardiment défier tous les autres.
« Nulle part, écrivait Auguste Luchet – dans le Nouveau tableau de Paris au XIXe siècle, – vous n'eussiez trouvé tant de richesse et d'élégance. Ce que la cour et les ambassades, ce que les châteaux et les maisons de plaisance de la magnifique vallée possédaient de jolies femmes et de fashionables cavaliers, s'y donnaient rendez-vous fidèle entre neuf et dix heures du soir. C'était un parfum de noblesse qui se répandait au loin ; c'était une foule imposante et hautaine, en
dépit de ses efforts pour paraître aimable et douce, pour n'effrayer personne et se mettre obligeamment à la portée de tout le monde. Quand la dernière voiture publique était partie, quand il n'y avait plus à craindre de trop déroger, de se mésallier monstrueusement, la noble foule s'ébranlait alors et dansait comme une bourgeoise, sur la terre dure, sous un toit de marronniers, éclairé par des quinquets rouges, au son d'une musique de guinguette.
Une femme, connue seulement alors pour la plus aimable des femmes ; une femme, l'âme des plaisirs, la reine des fêtes de la Cour, la duchesse de Berry, enfin, présidait aux pompeux quadrilles. Sa présence joyeuse, animée, chassait l'étiquette, chiffonnait les cravates diplomatiques amenait de force le sourire sur des physionomies jusqu'alors impassibles. Cédant à cette entraînante impulsion, la courtisanesque multitude jetait bas sa morgue et s'essoufflait à suivre la duchesse. Heureux alors les obscurs jeunes gens qui, bravant le risque de revenir à pied ou de ne pas revenir du tout, avaient osé tenter la concurrence de cette fin de bal avec les gardes du corps ; quelles belles histoires à raconter le lendemain ! quel plaisir de chercher et de deviner dans l'Almanach Royal le nom et la demeure de leurs danseuses inconnues ! »
Nous ne parlerons que pour mémoire des bals du Ranelagh, d'Auteuil, de Bellevue, de Sceaux et du bal de la Tourelle au bois de Vincennes, où jeunes femmes, jeunes filles, personnages grisonnants, adolescents glabres, célibataires hirsutes, citoyens de toutes classes et de tout rang, dansaient pêle-mêle, par un
besoin instinctif ou bien plutôt pour faire comme tout le monde, à la façon des éternels moutons de Panurge.
La grande et incomparable journée des coquettes, des élégantes et des mondaines, c'était Longchamp.
– Longchamp avec ses triples files de voitures bordant les boulevards depuis la fontaine de l'Éléphant jusqu'à la porte Maillot, avec ses groupes de cavaliers, ses types de fashionables du jour, allant, venant, se croisant et caracolant autour des calèches au fond desquelles on apercevait des plumes, des fleurs et des sourires de femmes. Ce jour, c'était la grande revue de la Mode et toute l'armée de la fashion était sur pied : c'était la fête favorite des élégants, des curieux et des désœuvrés ; les uns allaient à Longchamp pour faire admirer leurs gracieuses toilettes, leurs jolis équipages et leurs chevaux fringants ; les autres, pour critiquer les heureux du moment et médire du prochain, ce qui fut très bien porté de tous temps, et très édifiant dans le moment du carême et pendant la semaine sainte.
Longchamp était resté le rendez-vous de toutes les vanités, de toutes les prétendues célébrités et notabilités du moment. Sur la chaussée roulaient en brillants équipages à quatre chevaux, les opulents seigneurs de petite ou de
vieille noblesse, les pleutres orgueilleux de leurs richesses, les magistrats vaniteux de leurs fonctions, les courtisans infatués de leur faveur éphémère, les brillants militaires, pimpants, coquets, sanglés avec crânerie dans leur bel uniforme d'état-major.
De chaque côté de cette nouvelle voie Appienne, s'avançaient lentement les calèches, les coupés, les landaus, les berlines. Quelques-unes de ces voitures étaient remplies de femmes jeunes, jolies, parées, désireuses de plaire, enivrées d'éloges et jetant à peine un regard sur la foule pédestre qui s'arrêtait pour les admirer ; d'autres renfermaient de jeunes ménages avec de jolis enfants à la figure fraîche et riante ; enfin, dans le tilbury, dans le stanhope ou dans le tandem, on voyait les fashionables, les dandys, les hommes à la mode et à bonnes fortunes, lorgnon à l'œil, camélia à la boutonnière, fiers si une coquette avait daigné prendre place auprès d'eux dans une de ces voitures fragiles et dangereuses. Parmi ces rangées de véhicules, des cavalcades nombreuses passaient galopantes, ne laissant voir dans une légère envolée de poussière qu'un habit rouge ou marron, l'éclat d'un éperon, le brillant des harnais ou la pomme d'or d'une cravache.
La tenue des hommes à ces bals de l'Opéra était sévère ; presque tous adoptaient le costume noir de bal ; le plus grand nombre chaussait le bas de soie
noir ou brun ; quelques-uns, qui avaient adopté le pantalon collant, montraient des boucles en or carrées sur leurs souliers. Parmi les dames, les dominos étaient en immense majorité ; dominos blancs, dominos bleus, dominos roses, dominos noirs surtout. Plusieurs spectatrices dans les loges ne portaient pas de capuchon ; elles étaient coiffées avec des marabouts ou des guirlandes de feuilles ou de fleurs ; des loups à large bande de tulle brodé ou uni ; quelques excentriques avaient remplacé le domino par des sortes de simarres ouvertes sur le devant en satin broché ou en satin de Perse.
La jeunesse des écoles avait peu à peu révolutionné la danse française dans les réunions de la Grande Chaumière ; aux mouvements élégants, lentement développés de l'exquise gavotte de nos pères, ils avaient substitué un pas frénétique, épileptique, parfois indécent, qu'on baptisa du nom de chahut. Du quartier Latin cette danse sauvage et égrillarde s'était étendue dans le peuple et même chez les dandys ; on la vit fleurir à l'Opéra et principalement aux bals des Variétés. Cette danse stupide ne nous a plus quittés.
Dans les premières années du règne de Louis-Philippe, les bals de l'Opéra étaient fréquentés par la meilleure compagnie et tout s'y passait d'une manière décente et courtoise. Les étrangers admiraient le goût de ces fêtes, la grâce et le
Une idylle à l'Abbaye de Longchamps (1836)
bon ton des Parisiennes, s'étonnant même que dans une telle confusion, dans une cohue si prodigieuse, on pût apprécier cette grande égalité qui dénotait le caractère de la nation. Ce ne fut guère qu'en 1835 que les bals de l'Opéra dégénérèrent en licencieuses manifestations. Un lord richissime, lord Seymour, que l'on vantait pour ses prodigalités sur les boulevards, où il jetait à la foule de l'or à pleines mains, des dragées et des boniments insensés, Milord l'Arsouille, tel était son surnom populaire, apporta tout à coup dans Paris comme un vent de folies crapuleuses et d'orgies désordonnées.
En 1836, on organisa des mascarades satiriques de Louis-Philippe, de ses ministres et de ses magistrats ; on remuait l'instinct frondeur de la foule. Pendant tout le carnaval, lord Seymour, un dandy qui aurait pu être un fort de la halle, tenait son quartier général aux Vendanges de Bourgogne ; c'est là que l'armée de la folie prenait ses mots d'ordre. Les masques, mâles et femelles, auxquels il prodiguait ses écus et ses horions, se livraient, sur son ordre, aux danses sauvages, aux festins, aux bacchanales les plus grossières. – On vit alors des fameuses Descentes de la Courtine, ces hordes de masques dépenaillés qui se ruaient sur la ville, ces chicards, ces débardeurs, ces paillasses, ces charlatans qui du haut de leurs chars haranguaient la foule et faisaient du boulevard la
La fashion au Jardin du Palais-Royal (1837)
succursale des journées carnavalesques les plus houleuses du Corso romain.
Ce besoin de se distraire, de noyer la tristesse, d'agiter tous les grelots de la folie, se retrouvait dans les bals champêtres de Paris et de la banlieue. Après le choléra de 1832, qui éclata le jour de la mi-carême et qui fit tant de victimes, on se rua au plaisir avec une philosophie anacréontique; on dansa à Tivoli qui existait encore, à l'Ermitage, à l'Élysée-Montmartre, aux Montagnes françaises, à la Grande Chaumière, ce paradis des étudiants où bouillonnaient et fermentaient toutes les passions politiques et sensuelles, où l'on devinait surtout le germe latent de toutes les révolutions futures, littéraires et gouvernementales.
Maintenant, si l'on montait en coucou sur la place de la Concorde par quelque beau soir d'été, on arrivait au parc de Saint-Cloud où l'on trouvait un bal qui pouvait hardiment défier tous les autres.
« Nulle part, écrivait Auguste Luchet – dans le Nouveau tableau de Paris au XIXe siècle, – vous n'eussiez trouvé tant de richesse et d'élégance. Ce que la cour et les ambassades, ce que les châteaux et les maisons de plaisance de la magnifique vallée possédaient de jolies femmes et de fashionables cavaliers, s'y donnaient rendez-vous fidèle entre neuf et dix heures du soir. C'était un parfum de noblesse qui se répandait au loin ; c'était une foule imposante et hautaine, en
dépit de ses efforts pour paraître aimable et douce, pour n'effrayer personne et se mettre obligeamment à la portée de tout le monde. Quand la dernière voiture publique était partie, quand il n'y avait plus à craindre de trop déroger, de se mésallier monstrueusement, la noble foule s'ébranlait alors et dansait comme une bourgeoise, sur la terre dure, sous un toit de marronniers, éclairé par des quinquets rouges, au son d'une musique de guinguette.
Une femme, connue seulement alors pour la plus aimable des femmes ; une femme, l'âme des plaisirs, la reine des fêtes de la Cour, la duchesse de Berry, enfin, présidait aux pompeux quadrilles. Sa présence joyeuse, animée, chassait l'étiquette, chiffonnait les cravates diplomatiques amenait de force le sourire sur des physionomies jusqu'alors impassibles. Cédant à cette entraînante impulsion, la courtisanesque multitude jetait bas sa morgue et s'essoufflait à suivre la duchesse. Heureux alors les obscurs jeunes gens qui, bravant le risque de revenir à pied ou de ne pas revenir du tout, avaient osé tenter la concurrence de cette fin de bal avec les gardes du corps ; quelles belles histoires à raconter le lendemain ! quel plaisir de chercher et de deviner dans l'Almanach Royal le nom et la demeure de leurs danseuses inconnues ! »
Nous ne parlerons que pour mémoire des bals du Ranelagh, d'Auteuil, de Bellevue, de Sceaux et du bal de la Tourelle au bois de Vincennes, où jeunes femmes, jeunes filles, personnages grisonnants, adolescents glabres, célibataires hirsutes, citoyens de toutes classes et de tout rang, dansaient pêle-mêle, par un
besoin instinctif ou bien plutôt pour faire comme tout le monde, à la façon des éternels moutons de Panurge.
La grande et incomparable journée des coquettes, des élégantes et des mondaines, c'était Longchamp.
– Longchamp avec ses triples files de voitures bordant les boulevards depuis la fontaine de l'Éléphant jusqu'à la porte Maillot, avec ses groupes de cavaliers, ses types de fashionables du jour, allant, venant, se croisant et caracolant autour des calèches au fond desquelles on apercevait des plumes, des fleurs et des sourires de femmes. Ce jour, c'était la grande revue de la Mode et toute l'armée de la fashion était sur pied : c'était la fête favorite des élégants, des curieux et des désœuvrés ; les uns allaient à Longchamp pour faire admirer leurs gracieuses toilettes, leurs jolis équipages et leurs chevaux fringants ; les autres, pour critiquer les heureux du moment et médire du prochain, ce qui fut très bien porté de tous temps, et très édifiant dans le moment du carême et pendant la semaine sainte.
Longchamp était resté le rendez-vous de toutes les vanités, de toutes les prétendues célébrités et notabilités du moment. Sur la chaussée roulaient en brillants équipages à quatre chevaux, les opulents seigneurs de petite ou de
vieille noblesse, les pleutres orgueilleux de leurs richesses, les magistrats vaniteux de leurs fonctions, les courtisans infatués de leur faveur éphémère, les brillants militaires, pimpants, coquets, sanglés avec crânerie dans leur bel uniforme d'état-major.
De chaque côté de cette nouvelle voie Appienne, s'avançaient lentement les calèches, les coupés, les landaus, les berlines. Quelques-unes de ces voitures étaient remplies de femmes jeunes, jolies, parées, désireuses de plaire, enivrées d'éloges et jetant à peine un regard sur la foule pédestre qui s'arrêtait pour les admirer ; d'autres renfermaient de jeunes ménages avec de jolis enfants à la figure fraîche et riante ; enfin, dans le tilbury, dans le stanhope ou dans le tandem, on voyait les fashionables, les dandys, les hommes à la mode et à bonnes fortunes, lorgnon à l'œil, camélia à la boutonnière, fiers si une coquette avait daigné prendre place auprès d'eux dans une de ces voitures fragiles et dangereuses. Parmi ces rangées de véhicules, des cavalcades nombreuses passaient galopantes, ne laissant voir dans une légère envolée de poussière qu'un habit rouge ou marron, l'éclat d'un éperon, le brillant des harnais ou la pomme d'or d'une cravache.
Un Dandy des Dandysmes
par Elisabeth Bouvet
Article publié le 07/09/2007 Dernière mise à jour le 07/09/2007 à 13:32 TU
(Photo : RFI)
(Photo : RFI)
En 2008, la France célèbrera le bicentenaire de la naissance de Jules Barbey d’Aurevilly. Si l’auteur d’Une vieille maîtresse est né à Saint-Sauveur-le-Vicomte, en Normandie, c’est dans le Tarn, à Andillac, que les festivités ont d’ores et déjà débuté. Dandysmes, une histoire de séduction, tel est l’intitulé de cette exposition qui prend pour point départ l’amitié qui liait Jules Barbey d’Aurevilly à l’écrivain Maurice de Guérin, enfant du pays et dont la demeure natale, le château de Cayla abrite, depuis 70 ans, un musée. C’est dans cette maison littéraire noyée dans la nature que les dandys ont donc élu domicile. De l’Anglais George Brummell à Honoré de Balzac, de Charles Baudelaire à Pierre Loti en passant par Jean Cocteau et Serge Gainsbourg, l’exposition propose d’explorer les différentes facettes d’un mouvement pluriel vécu, à son origine, comme « une manière de tenir tête à l’époque », selon l’expression de son théoricien et chef de file, Jules Barbey d’Aurevilly.
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Le château du Cayla, Tarn. (Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Le château du Cayla, Tarn.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
De son vivant, Jules Barbey d’Aurevilly n’a jamais rendu visite à son ami Maurice de Guérin, sur ses terres natales. Il aura donc fallu attendre son bicentenaire ou presque pour installer au château du Cayla quelques-uns de ses plus beaux atours, de ceux qui constituaient sa panoplie de parfait dandy. Ici, une canne, non loin, un nécessaire à barbe, là une paire de gants en chevreau, là-bas un gilet brodé ou encore, dans un genre moins guindé mais non moins original cette blouse, rouge comme l’encre de ses lettres. Même si d’autres silhouettes, non moins illustres, surgissent au gré des 3 salles de l’exposition, l’auteur du Chevalier des Touches est sans conteste l’invité de marque de l’exposition. Car si l’origine du mot « dandy » est anglaise et remonte à la fin du XVIIIe siècle, l’on doit à Jules Barbey d’Aurevilly d’avoir théorisé en 1845 ce mouvement apparu quelques années plus tôt en France, à la faveur du retour d’outre-Manche des émigrés qui avaient fui la Révolution. Du dandysme et de George Brummell est le titre de cet ouvrage qui va fonder de manière durable une attitude jusque-là plutôt mal perçue car l’auteur, en s’appropriant le mot, fait du dandy le parangon de l’intellectuel élégant. « Ce n’est pas un habit qui marche tout seul ! Au contraire ! », écrit-il.
Gants ayant appartenu à Barbey d'Aurevilly, chevreau blanc et broderie rouge, XIXe siècle. Musée de Saint-Sauveur-le-Vicomte.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Gants ayant appartenu à Barbey d'Aurevilly, chevreau blanc et broderie rouge, XIXe siècle. Musée de Saint-Sauveur-le-Vicomte.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Une génération entre deux mondes
« Avec ce livre, Barbey d’Aurevilly définit le dandysme comme une manifestation de l’élégance vestimentaire mais aussi et essentiellement comme la double manifestation d’un mouvement littéraire et contre-révolutionnaire », explique Brigitte Benneteu, conservatrice départementale en chef. Et de poursuivre, « ce sont des jeunes gens férus de littérature, de culture traditionnelle, issus le plus souvent de l’aristocratie déchue et qui essaient de trouver une nouvelle position sociale dans une société dont les codes ont complètement changé ». Maurice de Guérin, rappelle Brigitte Benneteu, parle d’ailleurs dans ces poèmes en prose d’« une génération entre deux mondes ». « Ce qui fait le dandy, c’est l’indépendance », surenchérit Barbey d’Aurevilly tandis que Charles Baudelaire écrira, à son tour, que « le dandy se doit d’être sublime sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir ».
«Le Dandy à la cigarette». Anonyme. 1ière moitié du XXe siècle. Cllection J.M Artaut.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
«Le Dandy à la cigarette». Anonyme. 1ière moitié du XXe siècle. Cllection J.M Artaut.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Bref, résume Brigitte Bonneteu, il s’agit là d’écrivains qui veulent établir « une nouvelle aristocratie non plus de naissance mais de l’esprit ». Indépendance, originalité et distanciation à l’égard de l’uniformisation d’une société marquée par la montée de la bourgeoisie et le pouvoir de l’argent. Emblématique de cette posture, le tableau datant de 1901 d’Edouard Loëvy que l’on peut voir sur l’affiche de l’exposition et qui représente Le dandy nonchalant : « Si on a retenu ce personnage, c’est pour deux raisons » explique la conservatrice. « D’abord, explique-t-elle, parce qu’il est allongé sur un sofa à l’orientale avec un mouvement de la main extrêmement gracieux et c’est bien ainsi qu’on se représente le dandy. Ensuite parce que cette attitude est symptomatique du dandy c’est à dire qu’il est à l’abri de l’activisme du monde. Il refuse le travail au profit de l’oisiveté. C’est que dit Balzac, par exemple, quand il prétend que ‘L’oisiveté est un véritable travail’. Et puis il y a cette distance dans le regard qui fait qu’il ne se laisse pas dévoiler. D’où la difficulté d’ailleurs pour les dandys à se laisser portraiturer ».
Les Don Quichottes du XIXe siècle
Difficulté en grande partie liée à l’ambivalence sous-jacente au dandysme. Confronté à la fois à la tentation du retrait et au besoin du monde pour se construire, le dandysme porte en lui tous les germes d’une douleur que l’on retrouve ainsi dans l’écriture d’un Baudelaire ou dans la prose d’un Jean Lorrain. C’est encore Maurice de Guérin habité par le désir d’écrire mais tenté, dans le même temps, par le silence. Pour Brigitte Benneteu, s’il est une chimère qui illustre on ne peut mieux cette ambiguïté, c’est celle du centaure, « ce personnage inexistant, cette monstruosité que l’on a tous plus ou moins à la fois animal et humain, à la fois attirer par les étoiles et les pieds sur la terre ». Le visiteur peut d’ailleurs voir sur une gravure prêtée par le musée Carnavalet de Paris, une représentation du poète italien D’anunnzio…. en centaure. On l’aura compris, la posture du dandy est intenable. Brigitte Benneteu n’hésite pas à assimiler ces dandys à des « Don Quichotte du XIXe siècle qui livreraient un combat certes perdu d’avance mais avec un panache qui, pour être dérisoire, n’en reste pas moins héroïque ». La notion de masque devient dès lors fondamentale. Avec le dandysme, on assiste en effet à une « théâtralisation de la vie ». Et notre interlocutrice de rappeler cette citation d’Oscar Wilde, autre grand esthète devant l’éternel, « la véritable œuvre d’art, c’est ma vie ». Le paraître, on l’a vu, n’est toutefois pas une fin en soi. Tous les auteurs qui ont travaillé en quelque sorte à leur légende ont également bâti une vraie œuvre littéraire, à commencer par Baudelaire.
Ni fats ni falots
Baudelaire par Félix NadarDR
Baudelaire par Félix Nadar
DR
Baudelaire, mais aussi Balzac, Barbey d’Aurevilly, Stendhal même qui fut un temps tenté par ce phénomène, Lorrain, Loti, Montesquiou, Wilde, Proust sans oublier Cocteau, sans doute l’un des derniers fameux héritiers de cette lignée de dandys… une même famille, et pourtant, chacun a exprimé à sa manière sa perception du dandysme. Tout le sens du titre de l’exposition qui se conjugue au pluriel. Brigitte Benneteu indique que « cette notion de dandysme s’est construite a posteriori, qu’elle n’existe pas en soi dans la mesure où on ne peut pas parler d’un mouvement en tant que tel mais d’expressions individuelles ». Les dandys ayant en commun de refuser le modèle communément admis tant vestimentaire que sociétal. C’est en cela que le dandysme, né dans la première moitié du XIXe siècle, a réussi à perdurer même sur le mode individualiste. Brigitte Benneteu voit, par exemple, en Gainsbourg/Gainsbarre un dandy sinon parfait du moins authentique. Et la liste n’est pas exhaustive. Il faudrait encore citer les grands couturiers, à commencer par Dior dans les années 70, qui revisitent régulièrement cette image du dandy, comme en témoignent les magazines de mode masculine présentés dans l’exposition et qui datent tous de 2007. Et cela, même si la mode n’est qu’une traduction parmi d’autres, moins liées à l’esthétique et davantage à l’éthique, du dandysme.
Masque de Barbey d’Aurevilly figurant dans la sculpture « Le marchand des masques ». Zacharie Astruc, 2e moitié du XIXe siècle.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Masque de Barbey d’Aurevilly figurant dans la sculpture « Le marchand des masques ». Zacharie Astruc, 2e moitié du XIXe siècle.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Au moment de franchir la porte-fenêtre qui ouvre sur le parc du château du Cayla, le visiteur jette un dernier regard au masque en bronze de Barbey d’Aurevilly, sorte de gardien bienveillant de cette exposition qui invite à regarder derrière les apparences. Ces hommes - et ces rares femmes - que leurs détracteurs, moquant leurs excentricités vestimentaires, traitaient de « fats » « n’étaient absolument pas des personnages falots », insiste Brigitte Benneteu qui conclut que « le dandy est justement un personnage sans concession, et vis à vis de la société et vis à vis de lui-même. Ce qui, par delà l’allure excentrique, est la preuve d’une grande humilité et d’une grande souffrance ». Jules Barbey d’Aurevilly ne disait rien d’autre quand il écrivait que « le dandysme est toute une manière d’être ».
Le dandysme, une histoire de séduction. Une exposition à voir au château du Cayla, dans le Tarn, jusqu’au 28 octobre. Un prolongement de cette exposition est prévu en 2008, année du bicentenaire de la naissance de Barbey d’Aurevilly, au musée départemental du textile à Labastide Rouairoux. La Normandie célèbrera également l’événement. A la maison natale de l’écrivain à Saint-Sauveur-le-Vicomte et au musée Christian Dior à Granville.
Article publié le 07/09/2007 Dernière mise à jour le 07/09/2007 à 13:32 TU
(Photo : RFI)
(Photo : RFI)
En 2008, la France célèbrera le bicentenaire de la naissance de Jules Barbey d’Aurevilly. Si l’auteur d’Une vieille maîtresse est né à Saint-Sauveur-le-Vicomte, en Normandie, c’est dans le Tarn, à Andillac, que les festivités ont d’ores et déjà débuté. Dandysmes, une histoire de séduction, tel est l’intitulé de cette exposition qui prend pour point départ l’amitié qui liait Jules Barbey d’Aurevilly à l’écrivain Maurice de Guérin, enfant du pays et dont la demeure natale, le château de Cayla abrite, depuis 70 ans, un musée. C’est dans cette maison littéraire noyée dans la nature que les dandys ont donc élu domicile. De l’Anglais George Brummell à Honoré de Balzac, de Charles Baudelaire à Pierre Loti en passant par Jean Cocteau et Serge Gainsbourg, l’exposition propose d’explorer les différentes facettes d’un mouvement pluriel vécu, à son origine, comme « une manière de tenir tête à l’époque », selon l’expression de son théoricien et chef de file, Jules Barbey d’Aurevilly.
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Le château du Cayla, Tarn. (Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Le château du Cayla, Tarn.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
De son vivant, Jules Barbey d’Aurevilly n’a jamais rendu visite à son ami Maurice de Guérin, sur ses terres natales. Il aura donc fallu attendre son bicentenaire ou presque pour installer au château du Cayla quelques-uns de ses plus beaux atours, de ceux qui constituaient sa panoplie de parfait dandy. Ici, une canne, non loin, un nécessaire à barbe, là une paire de gants en chevreau, là-bas un gilet brodé ou encore, dans un genre moins guindé mais non moins original cette blouse, rouge comme l’encre de ses lettres. Même si d’autres silhouettes, non moins illustres, surgissent au gré des 3 salles de l’exposition, l’auteur du Chevalier des Touches est sans conteste l’invité de marque de l’exposition. Car si l’origine du mot « dandy » est anglaise et remonte à la fin du XVIIIe siècle, l’on doit à Jules Barbey d’Aurevilly d’avoir théorisé en 1845 ce mouvement apparu quelques années plus tôt en France, à la faveur du retour d’outre-Manche des émigrés qui avaient fui la Révolution. Du dandysme et de George Brummell est le titre de cet ouvrage qui va fonder de manière durable une attitude jusque-là plutôt mal perçue car l’auteur, en s’appropriant le mot, fait du dandy le parangon de l’intellectuel élégant. « Ce n’est pas un habit qui marche tout seul ! Au contraire ! », écrit-il.
Gants ayant appartenu à Barbey d'Aurevilly, chevreau blanc et broderie rouge, XIXe siècle. Musée de Saint-Sauveur-le-Vicomte.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Gants ayant appartenu à Barbey d'Aurevilly, chevreau blanc et broderie rouge, XIXe siècle. Musée de Saint-Sauveur-le-Vicomte.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Une génération entre deux mondes
« Avec ce livre, Barbey d’Aurevilly définit le dandysme comme une manifestation de l’élégance vestimentaire mais aussi et essentiellement comme la double manifestation d’un mouvement littéraire et contre-révolutionnaire », explique Brigitte Benneteu, conservatrice départementale en chef. Et de poursuivre, « ce sont des jeunes gens férus de littérature, de culture traditionnelle, issus le plus souvent de l’aristocratie déchue et qui essaient de trouver une nouvelle position sociale dans une société dont les codes ont complètement changé ». Maurice de Guérin, rappelle Brigitte Benneteu, parle d’ailleurs dans ces poèmes en prose d’« une génération entre deux mondes ». « Ce qui fait le dandy, c’est l’indépendance », surenchérit Barbey d’Aurevilly tandis que Charles Baudelaire écrira, à son tour, que « le dandy se doit d’être sublime sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir ».
«Le Dandy à la cigarette». Anonyme. 1ière moitié du XXe siècle. Cllection J.M Artaut.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
«Le Dandy à la cigarette». Anonyme. 1ière moitié du XXe siècle. Cllection J.M Artaut.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Bref, résume Brigitte Bonneteu, il s’agit là d’écrivains qui veulent établir « une nouvelle aristocratie non plus de naissance mais de l’esprit ». Indépendance, originalité et distanciation à l’égard de l’uniformisation d’une société marquée par la montée de la bourgeoisie et le pouvoir de l’argent. Emblématique de cette posture, le tableau datant de 1901 d’Edouard Loëvy que l’on peut voir sur l’affiche de l’exposition et qui représente Le dandy nonchalant : « Si on a retenu ce personnage, c’est pour deux raisons » explique la conservatrice. « D’abord, explique-t-elle, parce qu’il est allongé sur un sofa à l’orientale avec un mouvement de la main extrêmement gracieux et c’est bien ainsi qu’on se représente le dandy. Ensuite parce que cette attitude est symptomatique du dandy c’est à dire qu’il est à l’abri de l’activisme du monde. Il refuse le travail au profit de l’oisiveté. C’est que dit Balzac, par exemple, quand il prétend que ‘L’oisiveté est un véritable travail’. Et puis il y a cette distance dans le regard qui fait qu’il ne se laisse pas dévoiler. D’où la difficulté d’ailleurs pour les dandys à se laisser portraiturer ».
Les Don Quichottes du XIXe siècle
Difficulté en grande partie liée à l’ambivalence sous-jacente au dandysme. Confronté à la fois à la tentation du retrait et au besoin du monde pour se construire, le dandysme porte en lui tous les germes d’une douleur que l’on retrouve ainsi dans l’écriture d’un Baudelaire ou dans la prose d’un Jean Lorrain. C’est encore Maurice de Guérin habité par le désir d’écrire mais tenté, dans le même temps, par le silence. Pour Brigitte Benneteu, s’il est une chimère qui illustre on ne peut mieux cette ambiguïté, c’est celle du centaure, « ce personnage inexistant, cette monstruosité que l’on a tous plus ou moins à la fois animal et humain, à la fois attirer par les étoiles et les pieds sur la terre ». Le visiteur peut d’ailleurs voir sur une gravure prêtée par le musée Carnavalet de Paris, une représentation du poète italien D’anunnzio…. en centaure. On l’aura compris, la posture du dandy est intenable. Brigitte Benneteu n’hésite pas à assimiler ces dandys à des « Don Quichotte du XIXe siècle qui livreraient un combat certes perdu d’avance mais avec un panache qui, pour être dérisoire, n’en reste pas moins héroïque ». La notion de masque devient dès lors fondamentale. Avec le dandysme, on assiste en effet à une « théâtralisation de la vie ». Et notre interlocutrice de rappeler cette citation d’Oscar Wilde, autre grand esthète devant l’éternel, « la véritable œuvre d’art, c’est ma vie ». Le paraître, on l’a vu, n’est toutefois pas une fin en soi. Tous les auteurs qui ont travaillé en quelque sorte à leur légende ont également bâti une vraie œuvre littéraire, à commencer par Baudelaire.
Ni fats ni falots
Baudelaire par Félix NadarDR
Baudelaire par Félix Nadar
DR
Baudelaire, mais aussi Balzac, Barbey d’Aurevilly, Stendhal même qui fut un temps tenté par ce phénomène, Lorrain, Loti, Montesquiou, Wilde, Proust sans oublier Cocteau, sans doute l’un des derniers fameux héritiers de cette lignée de dandys… une même famille, et pourtant, chacun a exprimé à sa manière sa perception du dandysme. Tout le sens du titre de l’exposition qui se conjugue au pluriel. Brigitte Benneteu indique que « cette notion de dandysme s’est construite a posteriori, qu’elle n’existe pas en soi dans la mesure où on ne peut pas parler d’un mouvement en tant que tel mais d’expressions individuelles ». Les dandys ayant en commun de refuser le modèle communément admis tant vestimentaire que sociétal. C’est en cela que le dandysme, né dans la première moitié du XIXe siècle, a réussi à perdurer même sur le mode individualiste. Brigitte Benneteu voit, par exemple, en Gainsbourg/Gainsbarre un dandy sinon parfait du moins authentique. Et la liste n’est pas exhaustive. Il faudrait encore citer les grands couturiers, à commencer par Dior dans les années 70, qui revisitent régulièrement cette image du dandy, comme en témoignent les magazines de mode masculine présentés dans l’exposition et qui datent tous de 2007. Et cela, même si la mode n’est qu’une traduction parmi d’autres, moins liées à l’esthétique et davantage à l’éthique, du dandysme.
Masque de Barbey d’Aurevilly figurant dans la sculpture « Le marchand des masques ». Zacharie Astruc, 2e moitié du XIXe siècle.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Masque de Barbey d’Aurevilly figurant dans la sculpture « Le marchand des masques ». Zacharie Astruc, 2e moitié du XIXe siècle.
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)
Au moment de franchir la porte-fenêtre qui ouvre sur le parc du château du Cayla, le visiteur jette un dernier regard au masque en bronze de Barbey d’Aurevilly, sorte de gardien bienveillant de cette exposition qui invite à regarder derrière les apparences. Ces hommes - et ces rares femmes - que leurs détracteurs, moquant leurs excentricités vestimentaires, traitaient de « fats » « n’étaient absolument pas des personnages falots », insiste Brigitte Benneteu qui conclut que « le dandy est justement un personnage sans concession, et vis à vis de la société et vis à vis de lui-même. Ce qui, par delà l’allure excentrique, est la preuve d’une grande humilité et d’une grande souffrance ». Jules Barbey d’Aurevilly ne disait rien d’autre quand il écrivait que « le dandysme est toute une manière d’être ».
Le dandysme, une histoire de séduction. Une exposition à voir au château du Cayla, dans le Tarn, jusqu’au 28 octobre. Un prolongement de cette exposition est prévu en 2008, année du bicentenaire de la naissance de Barbey d’Aurevilly, au musée départemental du textile à Labastide Rouairoux. La Normandie célèbrera également l’événement. A la maison natale de l’écrivain à Saint-Sauveur-le-Vicomte et au musée Christian Dior à Granville.
segunda-feira, 28 de março de 2011
Histoire du Dandysme Les premiers dandys en France
Histoire du Dandysme
Les premiers dandys en France
Les premiers dandys en France furent évidemment... anglais ! Ils débarquèrent à Paris dans la suite du retour des Bourbons, au début de la Restauration. Lady Morgan (1783-1859) dans son étude sur La France (publiée en deux volumes en 1817) en dresse brillamment le portrait. Le premier d'entre eux, du moins signalé par Lady Morgan dans ses pages, est un jeune homme qu'elle croise dans les salons de la princesse de Volkonski en 1816.
« J'ai vu un dandy de Londres, paraissant tout à coup dans une assemblée en France y produire une aussi grande sensation par la nouveauté de ce caractère, et par l'impossibilité où l'on se trouvait de pouvoir le définir que lorsque l'ornithosynchus paradoxus [sic pour ornithorynchus paradoxus, nom latin de l'ornithorynque] vint confondre les systèmes et troubler les arrangements des naturalistes au jardin des plantes.
J'étais un soir chez la princesse de Volkonski, dame russe, attendant le commencement d'un de ses jolis opéras italiens, quand un de ces enfants de la mode, comme les appelle Beatrix, nouvellement arrivé à Paris, parut à la porte du salon, tout fier de toilette apprêtée, et faisant une reconnaissance dans la compagnie par le moyen du verre de sa lorgnette. Il me fit l'honneur de me reconnaître, s'approcha de moi et me fit, en baillant à demi, quelques questions dont il n'attendit pas la réponse, m'ayant quittée pour s'avancer vers quelque autre personne qu'il avait aussi reconnue. Une petite française pleine d'esprit, fille du comte de L..s..ge, causait avec moi, quand mon merveilleux anglais nous aborda. Madame de Volkonski le regarda d'un air de curiosité qu'elle ne pouvait rassasier, et parut s'en amuser. Quand il nous eut quittées, elle me demanda : "Mais qu'est-ce que cela ?" Je répondis : "Un dandy."
"Un dandy ! répéta-t-elle : un dandy ! c'est donc un genre parmi vous qu'un dandy ?"
"Non, répondis-je, c'est plutôt une variété dans l'espèce". Je tâchai alors de lui faire la définition d'un dandy, autant que la chose est possible, et je lui demandai si elle pouvait en trouver le pendant dans la société de France. "Mon Dieu oui, répliqua-t-elle ; nos jeunes duchesses sont à peu près des dandys". »
Lire la suite "Les premiers dandys en France" »
Rédigé le 21 mai 2009 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Us et coutumes des dandys : le boulevard de Gand
Tortoni
Ecrit par Alfred de Musset - sans doute comme préambule à sa nouvelle Les Deux Maîtresses, publiée dans la Revue des Deux-Mondes, en novembre 1837 - le fragment intitulé Le Boulevard de Gand, publié, lui, en 1896, décrit avec fierté et défend avec force le monde du boulevard, l'univers des dandys et leurs "occupations" quotidiennes...
Vous ne connaissez sûrement pas, Madame, les mœurs de ce pays étrange qu'on a nommé le boulevard de Gand. Il ne commence guère à remuer qu'à midi. Les garçons de café servent dédaigneusement quiconque déjeune avant cette heure. C'est alors qu'arrivent les dandys ; ils entrent à Tortoni par la porte de derrière, attendu que le perron est envahi par les barbares, c'est-à-dire les gens de la Bourse. Le monde dandy, rasé et coiffé, déjeune jusqu'à deux heures, à grand bruit, puis s'envole en bottes vernies. Ce qu'il fait de sa journée est impénétrable : c'est une partie de cartes, un assaut d'armes, mais rien n'en transpire au dehors et je ne vous le confie qu'en secret. Le boulevard de Gand, pendant le jour, est donc livré à la foule qui s'y porte depuis trois heures environ jusqu'à cinq. Tandis que les équipages poudreux règnent glorieusement sur la chaussée, la foule ignorante ne se promène que du beau côté parce que le soleil y donne. Quelle pitié ! Il n'en faut pas moins remarquer en passant la taille fine de la grisette, la jolie maman qui traîne son marmot, le classique fredon du flâneur et le panache de la demoiselle qui sort de sa répétition. A cinq heures, changement complet : tout se vide et reste désert jusqu'à six heures ; alors les habitués de chaque restaurant paraissent peu à peu et se dirigent vers leurs mondes planétaires. Le rentier, amplement vêtu, s'achemine vers le Café Anglais avec son billet de stalle dans sa poche, le courtier bien brossé, le demi fashionable vont s'attabler chez Hardy ; de quelques lourdes voitures de remise débarquent de longues familles anglaises qui entrent au Café de Paris sur la foi d'une mode oubliée ; les cabinets du Café Douix voient arriver deux ou trois parties fines, visages joyeux, mais inconnus. Le Club de l'Union s'illumine et les équipages s'y arrêtent ; les dandys sautillent çà et là avant d'entrer au Jockey Club. A sept heures, nouveau désert ; quelques journalistes prennent le café pendant que tout le monde dîne. à huit heures et demie, fumée générale ; cent estomacs digèrent et cent cigares brûlent ; les voitures roulent, les bottes craquent, les cannes reluisent, les chapeaux sont de travers, les gilets regorgent, les chevaux caracolent ; c'est le beau moment. Les femmes, que la fumée suffoque et qui abhorrent cet affreux tabac, arrivent à point nommé, cela va sans dire ; elles se pressent, s'entassent, toussent et bavardent ; le monde dandy s'envole de nouveau ; ces messieurs sont au théâtre et ces dames pirouettent. A dix heures, les fumeurs ne restent plus qu'en petit nombre, et les femmes, qui commencent à respirer, s'en vont. La compagnie, qui était plus que mêlée, devient de plus en plus mauvaise ; on entend, dans la solitude, le crieur du journal du soir ; les désœuvrés seuls tiennent bon. A onze heures et demie les spectacles se vident ; on se casse le cou devant Tortoni pour prendre une glace avant de s'aller coucher ; il s'en avale mille dans une soirée d'été. A minuit un dandy égaré reparaît un instant ; il est brisé de sa journée, il se jette sur une chaise, étend son pied sur une autre, avale un verre de limonade en bâillant, tape sur une épaule quelconque, en manière d'adieu, et s'éclipse. L'homme au gaz arrive, tout s'éteint. Quelques groupes restent encore ; on se sépare en fumant, au clair de la lune ; une heure après, pas une âme ne bouge et trois ou quatre fiacres patients attendent seuls devant le Café Anglais des soupeurs qui ne sortiront qu'au jour.
Lire la suite "Us et coutumes des dandys : le boulevard de Gand" »
Rédigé le 02 mars 2009 dans Dans le texte, Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Jockey-Club : bref historique (2)
Jockey_club2
En 1857, nouveau déménagement : le Jockey s’installe rue Grammont dans un immeuble qu’il finira par annexer dans sa totalité. Là encore, le Cercle s’établit dans un quartier « à la mode », proche des cafés Tortoni et Anglais, deux hauts-lieux du dandysme parisien. Le nouveau siège est encore plus beau que les précédents et la splendeur de ses aménagements alimente longtemps la chronique parisienne : escalier majestueux, salons, salle de billard, bibliothèque, salles à manger, salons de jeux… Le personnel est en livrée ou en habit, la cuisine y est raffinée, servie dans de l’argenterie ou de la porcelaine fine.
Le Jockey devient aussi l’arbitre des modes vestimentaires comme culturelles. A l’Opéra, de la « loge infernale » où les membres du Club se trouvent chaque soir, applaudissements ou huées font et défont les carrières et les pièces. Ils y perdent aussi leur argent, en entretenant une ou plusieurs danseuses car ces messieurs sont des inconditionnels du ballet. Ils perdent aussi des fortunes – ou en gagnent – au jeu, dans les salons douillets du Jockey-Club. Des sommes énormes passent ainsi chaque soir de main en main, dans la plus parfaite élégance…
Jockey_club
La journée au cercle commence tard. Un peu avant midi, les membres les plus matinaux s'y rendent pour lire les journaux du matin et parfois déjeuner.
Dans l’après-midi, les premiers joueurs arrivent, puis les cavaliers, vers cinq heures, après la traditionnelle promenade au bois de Boulogne. Le moment le plus fréquenté reste évidemment le dîner et l’après-dîner. On se rejoint au Club pour y organiser sa soirée, se préparer aux multiples invitations reçues ou avant de se rendre au théâtre et à l’opéra, où la plupart des membres du Jockey-Club ont une loge louée à l’année. Certains d’entre eux reviennent ensuite au cercle pour jouer jusqu’au petit matin…
En 1863, là encore, devant l’augmentation de ses effectifs et de ses activités, le Jockey déménage à nouveau. Profitant des grands travaux lancés par Haussmann, le Club décide de s’installer dans le nouveau quartier de l’Opéra, à l’intérieur d’un immeuble luxueux à construire à l’angle du boulevard des Capucines et de la rue Scribe (aujourd'hui l'Hôtel Scribe). Il y restera jusqu’au lendemain de la première guerre mondiale. Les ducs d’Albuféra, de Bisaccia, de Fitz-James s’accordent sur les plans et la décoration. Le résultat est grandiose : un escalier monumental dessert le premier étage constitué de onze pièces : antichambre, galerie d’attente, superbe salle à manger de marbre gris et rose, bibliothèque, sept salons (dont salon de lecture, de billard, des sports…), etc. La magnificence des lieux oblige d’ailleurs le Comité directeur à en autoriser la visite aux familles des membres pendant plusieurs jours ! De même, quelques années plus tard, pour l’exposition universelle de 1867, plusieurs membres des familles royales d'Europe s’y rendent. Le Jockey est devenu un point de passage obligé de la capitale et plusieurs princes ou souverains deviennent membres du Club. Le Jockey est alors, et jusqu’à la chute du Second Empire, au faîte de sa gloire et de son influence…
Rédigé le 18 février 2009 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Jockey-Club : bref historique
Jockey_club_1868
C’est avec Charles X surtout que le goût pour l’équitation et les courses, hérité d’une anglomanie rapportée dans les bagages de l’Emigration, se développe en France. Les courses de chevaux se déroulent alors principalement au Champ-de-Mars et au bois de Boulogne.
Sur l’initiative de l’Anglais Thomas Bryon se constitue en 1826 une première et éphémère Société des amateurs de courses. Mais c’est surtout en 1833, le 11 novembre, que 15 amateurs de chevaux, parmi lesquels un grand nombre de dandys patentés, fondent la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux. La présidence en est tenue – nous en avions parlé précédemment – par Lord Seymour.
En 1834, aidés par les fils de Louis-Philippe, les ducs d’Orléans et de Nemours, ces mêmes membres prennent la résolution de se réunir dans un « club », à l’imitation des clubs britanniques. Le Jockey-Club est alors fondé (le nom, bien que donné dès ce moment, ne sera officiellement celui de la Société qu’en 1903).
Dès lors le « Jockey » devient un des centres essentiels de la vie mondaine et le sommet à atteindre de l’échelle sociale. A ce propos, remarquons au passage que la moitié de ses membres en 1834 appartient à la vieille et haute aristocratie d’Ancien Régime. Le reste est composé de la très haute aristocratie de l’Empire, de la grande bourgeoisie (dont Eugène Süe) et de quelques membres étrangers. On comprend dès lors que la variété des opinions politiques des membres interdit toute réunion pour objet politique…
En 1835, le Jockey adopte son premier règlement, dont certains articles sont toujours en vigueur. Le règlement fixe notamment les conditions d’admission, très strictes. La même année, le prince de la Moskowa fait adopter le principe d’un Prix du Jockey-Club, pour une course qui se tient chaque année à Chantilly (la première eut lieu en 1835 et elle se dispute toujours aujourd’hui) et dotée, pour l’époque de la somme conséquente de 5000 francs. Le premier « siège » du Jockey-Club se situe alors au 2 rue du Helder, à l’angle du boulevard des Italiens, dans le quartier des cafés, des théâtres, du commerce du luxe. Chaque membre y a accès, peut y lire les journaux, rencontrer les autres membres, dîner, mais ne peut jouer à des jeux de hasard ni avoir une conduite inconvenante.
Devant l’augmentation du nombre de ses membres et la réputation grandissante du Club, le Jockey déménage en 1836 (et jusqu’en 1857) rue Drouot, à l’angle du boulevard Montmartre. C’est avec le Second Empire que le Jockey-Club va connaître une nouvelle expansion. En 1856, 188 nouveaux membres s’ajoutent aux 405 membres anciens, résultat de l’absorption par le Jockey du Nouveau Cercle de la rue Royale. Mais le nombre croissant des membres n’entraîne pas la diminution de leur qualité. Au contraire. D’ailleurs, à la même époque, le Jockey décide que les ministres et ambassadeurs sont autorisés à fréquenter le Club, même s’ils n’en sont pas membres, pendant la durée de leur mission à Paris. C’est dire l’importance politique et décisionnaire du Jockey-Club à ce moment.
En 1856, le Cercle négocie la concession d’un terrain au bois de Boulogne sur la plaine de Longchamp, pour y bâtir l’hippodrome que l’on connaît aujourd’hui. Le Club, en échange d’un bail renouvelable, s’engage à bâtir tribunes et aménagements divers, et à distribuer les bénéfices qu’il en retire sous la forme de prix d’encouragement, conformément à sa vocation première. Plusieurs prix parisiens, sur le modèle du prix du Jockey-Club de Chantilly, sont donc créés. Désormais l’élite nationale et internationale peut donner rendez-vous aux courses : une tribune particulière est réservée à cet effet aux membres et affiliés du Jockey-Club.
(à suivre)
PS : nous adressons tous nos voeux les plus cordiaux à D. S.-C. et à A. S. pour la nouvelle année.
Rédigé le 27 janvier 2009 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Dandy : l'étymologie du mot
Dandys_parisiens_2
Si l'on sait bien que les dandys sont nés Outre-Manche, on a plus de mal cependant à connaître l'étymologie du mot...
L'une des toutes premières apparitions attestées (la première ?) se trouve dans une ballade écossaise de la fin du XVIIIe siècle (1780) :
I've heard my granny crack / O' sixty twa years back / When there were (sic) a stock of Dandies...
Outre que "Dandy" est traditionnellement en Ecosse un diminutif pour Andrew, il va désigner, semble-t-il rapidement, spécifiquement à la frontière entre l'Angleterre et l'Écosse, les jeunes gens qui se rendent à l'église ou la foire annuelle dans un vêtement excentrique.
De fait, même si le sens est légèrement différent de l'acception "brummellienne" traditionnelle, on peut penser que le qualificatif dandy est donc - comme les dandys eux-mêmes - d'origine britannique.
Mais tout n'est pas si simple. Selon certains, ce terme de "dandy" aurait lui-même pour origine le mot français - apparu au XVIe siècle - dandin. Introduit plus tard en Angleterre, dandin se serait transformé peu à peu en "dandy" avec pour sens premier l'équivalent de notre "freluquet" ou bien de notre "polisson". A l'inverse, d'autres veulent en faire une création toute britannique, en faisant dériver "dandy" du verbe to dandle (= se dandiner, balancer), évoquant un mouvement aguicheur, voire précieux, ou un personnage ambigu et rusé.
En l'absence de certitudes, tout reste ouvert bien sûr et nous vous laissons faire votre choix parmi toutes ces propositions étymologiques. Quoi qu'il en soit, le mot, à travers ses diverses origines, montre bien les échanges incessants et fructueux qui ont existé entre l'Angleterre et la France dans la "création" et l'élaboration du dandysme...
Rédigé le 13 août 2008 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
"Macaronis" et "Muscadins", précurseurs des Dandys
Le mouvement que l'on a appelé "macaroni" est né, tout comme le dandysme, en Macaroni_2Angleterre. C’est un mouvement à tendance "esthétique" qui se développe au sein de la jeunesse anglaise de l’aristocratie et de la bourgeoisie commerçante dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ce terme de "macaroni" est hérité du voyage à la mode que faisait ces jeunes gens fortunés en Italie. Il exista même un "Macaroni Club" à Londres qui regroupa quelques-uns de ses plus fameux représentants. L’habillement révêle une certaine excentricité : les "macaronis" (photo) portent culottes de soie généralement blanche, bas de soie blancs, escarpins à boucles serties de diamants, talons rouges à la française, le tout pimenté d’un certain goût pour l’ambigüité, voire l'efféminisation.
En France le pré-dandysme revêt aussi un caractère d’excentricité vestimentaire mais il comporte une dimension supplémentaire que ne contient pas le mouvement macaroni : la portée politique. Les muscadins (photo ci-dessous) naissent à la faveur des mouvements contre-révolutionnaires ; le muscadin chasse le jacobin et son habit est à l’opposé de celui du fameux "sans-culottes" : "un habit carré très court et boutonné très serré ; une cravate verte monstrueuse où le menton disparaissait et qui menaçait de masquer le nez, un gilet jaune chamois à dix-huit boutons de nacre, de longs cheveux poudrés, flottant des deux côtés sur les épaules ; les culottes descendant jusqu'aux mollets ; les souliers à la pointe du pied et aussi minces qu'une feuille de carton ; du linge fin comme de la batiste". A cette tenue particulière et reconnaissable, le muscadin porte lunettes ou lorgnons et une canne lourde, qui n'est pas seulement accessoire de mode... Parlant un langage dont l'articulation lui est propre, ce qui lui vaut son surnom "d'Incroyable", parfumé à souhait, il pratique l'élégance, les belles manières, mais aussi l'insolence et la dérision, préfigurant en de nombreux points le dandy du siècle suivant. Contre-révolutionnaires, les muscadins sont les fervents défenseurs d'un Directoire conservateur mais, au lendemain de la Révolution, ils s'éparpilleront entre les différents courants politiques du moment, bonapartistes, royalistes ou démocrates modérés...
Muscadins
Rédigé le 18 mars 2008 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (1)
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Les premiers dandys en France
Les premiers dandys en France furent évidemment... anglais ! Ils débarquèrent à Paris dans la suite du retour des Bourbons, au début de la Restauration. Lady Morgan (1783-1859) dans son étude sur La France (publiée en deux volumes en 1817) en dresse brillamment le portrait. Le premier d'entre eux, du moins signalé par Lady Morgan dans ses pages, est un jeune homme qu'elle croise dans les salons de la princesse de Volkonski en 1816.
« J'ai vu un dandy de Londres, paraissant tout à coup dans une assemblée en France y produire une aussi grande sensation par la nouveauté de ce caractère, et par l'impossibilité où l'on se trouvait de pouvoir le définir que lorsque l'ornithosynchus paradoxus [sic pour ornithorynchus paradoxus, nom latin de l'ornithorynque] vint confondre les systèmes et troubler les arrangements des naturalistes au jardin des plantes.
J'étais un soir chez la princesse de Volkonski, dame russe, attendant le commencement d'un de ses jolis opéras italiens, quand un de ces enfants de la mode, comme les appelle Beatrix, nouvellement arrivé à Paris, parut à la porte du salon, tout fier de toilette apprêtée, et faisant une reconnaissance dans la compagnie par le moyen du verre de sa lorgnette. Il me fit l'honneur de me reconnaître, s'approcha de moi et me fit, en baillant à demi, quelques questions dont il n'attendit pas la réponse, m'ayant quittée pour s'avancer vers quelque autre personne qu'il avait aussi reconnue. Une petite française pleine d'esprit, fille du comte de L..s..ge, causait avec moi, quand mon merveilleux anglais nous aborda. Madame de Volkonski le regarda d'un air de curiosité qu'elle ne pouvait rassasier, et parut s'en amuser. Quand il nous eut quittées, elle me demanda : "Mais qu'est-ce que cela ?" Je répondis : "Un dandy."
"Un dandy ! répéta-t-elle : un dandy ! c'est donc un genre parmi vous qu'un dandy ?"
"Non, répondis-je, c'est plutôt une variété dans l'espèce". Je tâchai alors de lui faire la définition d'un dandy, autant que la chose est possible, et je lui demandai si elle pouvait en trouver le pendant dans la société de France. "Mon Dieu oui, répliqua-t-elle ; nos jeunes duchesses sont à peu près des dandys". »
Lire la suite "Les premiers dandys en France" »
Rédigé le 21 mai 2009 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Us et coutumes des dandys : le boulevard de Gand
Tortoni
Ecrit par Alfred de Musset - sans doute comme préambule à sa nouvelle Les Deux Maîtresses, publiée dans la Revue des Deux-Mondes, en novembre 1837 - le fragment intitulé Le Boulevard de Gand, publié, lui, en 1896, décrit avec fierté et défend avec force le monde du boulevard, l'univers des dandys et leurs "occupations" quotidiennes...
Vous ne connaissez sûrement pas, Madame, les mœurs de ce pays étrange qu'on a nommé le boulevard de Gand. Il ne commence guère à remuer qu'à midi. Les garçons de café servent dédaigneusement quiconque déjeune avant cette heure. C'est alors qu'arrivent les dandys ; ils entrent à Tortoni par la porte de derrière, attendu que le perron est envahi par les barbares, c'est-à-dire les gens de la Bourse. Le monde dandy, rasé et coiffé, déjeune jusqu'à deux heures, à grand bruit, puis s'envole en bottes vernies. Ce qu'il fait de sa journée est impénétrable : c'est une partie de cartes, un assaut d'armes, mais rien n'en transpire au dehors et je ne vous le confie qu'en secret. Le boulevard de Gand, pendant le jour, est donc livré à la foule qui s'y porte depuis trois heures environ jusqu'à cinq. Tandis que les équipages poudreux règnent glorieusement sur la chaussée, la foule ignorante ne se promène que du beau côté parce que le soleil y donne. Quelle pitié ! Il n'en faut pas moins remarquer en passant la taille fine de la grisette, la jolie maman qui traîne son marmot, le classique fredon du flâneur et le panache de la demoiselle qui sort de sa répétition. A cinq heures, changement complet : tout se vide et reste désert jusqu'à six heures ; alors les habitués de chaque restaurant paraissent peu à peu et se dirigent vers leurs mondes planétaires. Le rentier, amplement vêtu, s'achemine vers le Café Anglais avec son billet de stalle dans sa poche, le courtier bien brossé, le demi fashionable vont s'attabler chez Hardy ; de quelques lourdes voitures de remise débarquent de longues familles anglaises qui entrent au Café de Paris sur la foi d'une mode oubliée ; les cabinets du Café Douix voient arriver deux ou trois parties fines, visages joyeux, mais inconnus. Le Club de l'Union s'illumine et les équipages s'y arrêtent ; les dandys sautillent çà et là avant d'entrer au Jockey Club. A sept heures, nouveau désert ; quelques journalistes prennent le café pendant que tout le monde dîne. à huit heures et demie, fumée générale ; cent estomacs digèrent et cent cigares brûlent ; les voitures roulent, les bottes craquent, les cannes reluisent, les chapeaux sont de travers, les gilets regorgent, les chevaux caracolent ; c'est le beau moment. Les femmes, que la fumée suffoque et qui abhorrent cet affreux tabac, arrivent à point nommé, cela va sans dire ; elles se pressent, s'entassent, toussent et bavardent ; le monde dandy s'envole de nouveau ; ces messieurs sont au théâtre et ces dames pirouettent. A dix heures, les fumeurs ne restent plus qu'en petit nombre, et les femmes, qui commencent à respirer, s'en vont. La compagnie, qui était plus que mêlée, devient de plus en plus mauvaise ; on entend, dans la solitude, le crieur du journal du soir ; les désœuvrés seuls tiennent bon. A onze heures et demie les spectacles se vident ; on se casse le cou devant Tortoni pour prendre une glace avant de s'aller coucher ; il s'en avale mille dans une soirée d'été. A minuit un dandy égaré reparaît un instant ; il est brisé de sa journée, il se jette sur une chaise, étend son pied sur une autre, avale un verre de limonade en bâillant, tape sur une épaule quelconque, en manière d'adieu, et s'éclipse. L'homme au gaz arrive, tout s'éteint. Quelques groupes restent encore ; on se sépare en fumant, au clair de la lune ; une heure après, pas une âme ne bouge et trois ou quatre fiacres patients attendent seuls devant le Café Anglais des soupeurs qui ne sortiront qu'au jour.
Lire la suite "Us et coutumes des dandys : le boulevard de Gand" »
Rédigé le 02 mars 2009 dans Dans le texte, Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Jockey-Club : bref historique (2)
Jockey_club2
En 1857, nouveau déménagement : le Jockey s’installe rue Grammont dans un immeuble qu’il finira par annexer dans sa totalité. Là encore, le Cercle s’établit dans un quartier « à la mode », proche des cafés Tortoni et Anglais, deux hauts-lieux du dandysme parisien. Le nouveau siège est encore plus beau que les précédents et la splendeur de ses aménagements alimente longtemps la chronique parisienne : escalier majestueux, salons, salle de billard, bibliothèque, salles à manger, salons de jeux… Le personnel est en livrée ou en habit, la cuisine y est raffinée, servie dans de l’argenterie ou de la porcelaine fine.
Le Jockey devient aussi l’arbitre des modes vestimentaires comme culturelles. A l’Opéra, de la « loge infernale » où les membres du Club se trouvent chaque soir, applaudissements ou huées font et défont les carrières et les pièces. Ils y perdent aussi leur argent, en entretenant une ou plusieurs danseuses car ces messieurs sont des inconditionnels du ballet. Ils perdent aussi des fortunes – ou en gagnent – au jeu, dans les salons douillets du Jockey-Club. Des sommes énormes passent ainsi chaque soir de main en main, dans la plus parfaite élégance…
Jockey_club
La journée au cercle commence tard. Un peu avant midi, les membres les plus matinaux s'y rendent pour lire les journaux du matin et parfois déjeuner.
Dans l’après-midi, les premiers joueurs arrivent, puis les cavaliers, vers cinq heures, après la traditionnelle promenade au bois de Boulogne. Le moment le plus fréquenté reste évidemment le dîner et l’après-dîner. On se rejoint au Club pour y organiser sa soirée, se préparer aux multiples invitations reçues ou avant de se rendre au théâtre et à l’opéra, où la plupart des membres du Jockey-Club ont une loge louée à l’année. Certains d’entre eux reviennent ensuite au cercle pour jouer jusqu’au petit matin…
En 1863, là encore, devant l’augmentation de ses effectifs et de ses activités, le Jockey déménage à nouveau. Profitant des grands travaux lancés par Haussmann, le Club décide de s’installer dans le nouveau quartier de l’Opéra, à l’intérieur d’un immeuble luxueux à construire à l’angle du boulevard des Capucines et de la rue Scribe (aujourd'hui l'Hôtel Scribe). Il y restera jusqu’au lendemain de la première guerre mondiale. Les ducs d’Albuféra, de Bisaccia, de Fitz-James s’accordent sur les plans et la décoration. Le résultat est grandiose : un escalier monumental dessert le premier étage constitué de onze pièces : antichambre, galerie d’attente, superbe salle à manger de marbre gris et rose, bibliothèque, sept salons (dont salon de lecture, de billard, des sports…), etc. La magnificence des lieux oblige d’ailleurs le Comité directeur à en autoriser la visite aux familles des membres pendant plusieurs jours ! De même, quelques années plus tard, pour l’exposition universelle de 1867, plusieurs membres des familles royales d'Europe s’y rendent. Le Jockey est devenu un point de passage obligé de la capitale et plusieurs princes ou souverains deviennent membres du Club. Le Jockey est alors, et jusqu’à la chute du Second Empire, au faîte de sa gloire et de son influence…
Rédigé le 18 février 2009 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Jockey-Club : bref historique
Jockey_club_1868
C’est avec Charles X surtout que le goût pour l’équitation et les courses, hérité d’une anglomanie rapportée dans les bagages de l’Emigration, se développe en France. Les courses de chevaux se déroulent alors principalement au Champ-de-Mars et au bois de Boulogne.
Sur l’initiative de l’Anglais Thomas Bryon se constitue en 1826 une première et éphémère Société des amateurs de courses. Mais c’est surtout en 1833, le 11 novembre, que 15 amateurs de chevaux, parmi lesquels un grand nombre de dandys patentés, fondent la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux. La présidence en est tenue – nous en avions parlé précédemment – par Lord Seymour.
En 1834, aidés par les fils de Louis-Philippe, les ducs d’Orléans et de Nemours, ces mêmes membres prennent la résolution de se réunir dans un « club », à l’imitation des clubs britanniques. Le Jockey-Club est alors fondé (le nom, bien que donné dès ce moment, ne sera officiellement celui de la Société qu’en 1903).
Dès lors le « Jockey » devient un des centres essentiels de la vie mondaine et le sommet à atteindre de l’échelle sociale. A ce propos, remarquons au passage que la moitié de ses membres en 1834 appartient à la vieille et haute aristocratie d’Ancien Régime. Le reste est composé de la très haute aristocratie de l’Empire, de la grande bourgeoisie (dont Eugène Süe) et de quelques membres étrangers. On comprend dès lors que la variété des opinions politiques des membres interdit toute réunion pour objet politique…
En 1835, le Jockey adopte son premier règlement, dont certains articles sont toujours en vigueur. Le règlement fixe notamment les conditions d’admission, très strictes. La même année, le prince de la Moskowa fait adopter le principe d’un Prix du Jockey-Club, pour une course qui se tient chaque année à Chantilly (la première eut lieu en 1835 et elle se dispute toujours aujourd’hui) et dotée, pour l’époque de la somme conséquente de 5000 francs. Le premier « siège » du Jockey-Club se situe alors au 2 rue du Helder, à l’angle du boulevard des Italiens, dans le quartier des cafés, des théâtres, du commerce du luxe. Chaque membre y a accès, peut y lire les journaux, rencontrer les autres membres, dîner, mais ne peut jouer à des jeux de hasard ni avoir une conduite inconvenante.
Devant l’augmentation du nombre de ses membres et la réputation grandissante du Club, le Jockey déménage en 1836 (et jusqu’en 1857) rue Drouot, à l’angle du boulevard Montmartre. C’est avec le Second Empire que le Jockey-Club va connaître une nouvelle expansion. En 1856, 188 nouveaux membres s’ajoutent aux 405 membres anciens, résultat de l’absorption par le Jockey du Nouveau Cercle de la rue Royale. Mais le nombre croissant des membres n’entraîne pas la diminution de leur qualité. Au contraire. D’ailleurs, à la même époque, le Jockey décide que les ministres et ambassadeurs sont autorisés à fréquenter le Club, même s’ils n’en sont pas membres, pendant la durée de leur mission à Paris. C’est dire l’importance politique et décisionnaire du Jockey-Club à ce moment.
En 1856, le Cercle négocie la concession d’un terrain au bois de Boulogne sur la plaine de Longchamp, pour y bâtir l’hippodrome que l’on connaît aujourd’hui. Le Club, en échange d’un bail renouvelable, s’engage à bâtir tribunes et aménagements divers, et à distribuer les bénéfices qu’il en retire sous la forme de prix d’encouragement, conformément à sa vocation première. Plusieurs prix parisiens, sur le modèle du prix du Jockey-Club de Chantilly, sont donc créés. Désormais l’élite nationale et internationale peut donner rendez-vous aux courses : une tribune particulière est réservée à cet effet aux membres et affiliés du Jockey-Club.
(à suivre)
PS : nous adressons tous nos voeux les plus cordiaux à D. S.-C. et à A. S. pour la nouvelle année.
Rédigé le 27 janvier 2009 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
Dandy : l'étymologie du mot
Dandys_parisiens_2
Si l'on sait bien que les dandys sont nés Outre-Manche, on a plus de mal cependant à connaître l'étymologie du mot...
L'une des toutes premières apparitions attestées (la première ?) se trouve dans une ballade écossaise de la fin du XVIIIe siècle (1780) :
I've heard my granny crack / O' sixty twa years back / When there were (sic) a stock of Dandies...
Outre que "Dandy" est traditionnellement en Ecosse un diminutif pour Andrew, il va désigner, semble-t-il rapidement, spécifiquement à la frontière entre l'Angleterre et l'Écosse, les jeunes gens qui se rendent à l'église ou la foire annuelle dans un vêtement excentrique.
De fait, même si le sens est légèrement différent de l'acception "brummellienne" traditionnelle, on peut penser que le qualificatif dandy est donc - comme les dandys eux-mêmes - d'origine britannique.
Mais tout n'est pas si simple. Selon certains, ce terme de "dandy" aurait lui-même pour origine le mot français - apparu au XVIe siècle - dandin. Introduit plus tard en Angleterre, dandin se serait transformé peu à peu en "dandy" avec pour sens premier l'équivalent de notre "freluquet" ou bien de notre "polisson". A l'inverse, d'autres veulent en faire une création toute britannique, en faisant dériver "dandy" du verbe to dandle (= se dandiner, balancer), évoquant un mouvement aguicheur, voire précieux, ou un personnage ambigu et rusé.
En l'absence de certitudes, tout reste ouvert bien sûr et nous vous laissons faire votre choix parmi toutes ces propositions étymologiques. Quoi qu'il en soit, le mot, à travers ses diverses origines, montre bien les échanges incessants et fructueux qui ont existé entre l'Angleterre et la France dans la "création" et l'élaboration du dandysme...
Rédigé le 13 août 2008 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (0)
"Macaronis" et "Muscadins", précurseurs des Dandys
Le mouvement que l'on a appelé "macaroni" est né, tout comme le dandysme, en Macaroni_2Angleterre. C’est un mouvement à tendance "esthétique" qui se développe au sein de la jeunesse anglaise de l’aristocratie et de la bourgeoisie commerçante dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ce terme de "macaroni" est hérité du voyage à la mode que faisait ces jeunes gens fortunés en Italie. Il exista même un "Macaroni Club" à Londres qui regroupa quelques-uns de ses plus fameux représentants. L’habillement révêle une certaine excentricité : les "macaronis" (photo) portent culottes de soie généralement blanche, bas de soie blancs, escarpins à boucles serties de diamants, talons rouges à la française, le tout pimenté d’un certain goût pour l’ambigüité, voire l'efféminisation.
En France le pré-dandysme revêt aussi un caractère d’excentricité vestimentaire mais il comporte une dimension supplémentaire que ne contient pas le mouvement macaroni : la portée politique. Les muscadins (photo ci-dessous) naissent à la faveur des mouvements contre-révolutionnaires ; le muscadin chasse le jacobin et son habit est à l’opposé de celui du fameux "sans-culottes" : "un habit carré très court et boutonné très serré ; une cravate verte monstrueuse où le menton disparaissait et qui menaçait de masquer le nez, un gilet jaune chamois à dix-huit boutons de nacre, de longs cheveux poudrés, flottant des deux côtés sur les épaules ; les culottes descendant jusqu'aux mollets ; les souliers à la pointe du pied et aussi minces qu'une feuille de carton ; du linge fin comme de la batiste". A cette tenue particulière et reconnaissable, le muscadin porte lunettes ou lorgnons et une canne lourde, qui n'est pas seulement accessoire de mode... Parlant un langage dont l'articulation lui est propre, ce qui lui vaut son surnom "d'Incroyable", parfumé à souhait, il pratique l'élégance, les belles manières, mais aussi l'insolence et la dérision, préfigurant en de nombreux points le dandy du siècle suivant. Contre-révolutionnaires, les muscadins sont les fervents défenseurs d'un Directoire conservateur mais, au lendemain de la Révolution, ils s'éparpilleront entre les différents courants politiques du moment, bonapartistes, royalistes ou démocrates modérés...
Muscadins
Rédigé le 18 mars 2008 dans Histoire du Dandysme | Lien permanent | Commentaires (1)
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sábado, 26 de março de 2011
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Delbourg-Delphis, Marylène: Masculin singulier - Le Dandysme et son histoire
Dolto, Françoise: Le Dandy
Dufresne, Jean-Luc : Dandysmes 1808-2008 : de Barbey d'Aurevilly à Christian Dior
Erbe, Günter : Dandys - Virtuosen der Lebenskunst.
Favardin, Patrick - Bouexiere, Laurent: Le dandysme Fillin-Yeh, Susan: Dandies : Fashion and Finesse in Art and Culture
Garelick, Rhonda K. : Rising star, dandyism, gender, and the performance in the Fin de Siecle
Huizing, Klaas: Der letzte Dandy
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Salvatore Schiffer, Daniel : Le dandysme, dernier éclat d'héroïsme
Scaraffia, Giuseppe : Petit dictionnaire du dandy Stanton, Domna C. : The Aristocrat as Art: a study of the honnête homme and the dandy in seventeenth and nineteenth-century French literature
Vibart, Eric: Alain Gerbault : Vie et voyages d'un dandy révolté des années folles
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Les Nouveaux Dandys : livres / dandys
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Jullian, Philippe: Robert de Montesquiou, un prince 1900 Kelly, Ian : Beau Brummell
Langlade, J. de: Brummell ou le prince des dandys Liedekerke, Arnould de: Talon rouge, Barbey d'Aurevilly, le dandy absolu
Marchand, Leslie : Dictionnaire de Lord Byron
Matzneff, Gabriel : La Diététique de lord Byron
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Mension-Rigau, Eric: Boni de Castellane
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Carle Vernet, peintre dandy (2)
Mais l’épisode révolutionnaire retarde la délivrance. Son père, Joseph Vernet, meurt quelques mois après la prise de la Bastille ; le triste évènement augure d’une période difficile pour Carle, partagé entre un indéniable « vieux fond de royalisme » et sa tentation d’adhérer au processus révolutionnaire.
Plus tard, quand la situation s’envenime, le peintre songe à s’exiler. L’attaque des Tuileries, qui chasse sa famille de son logement du Louvre et le long combat qu’il mène, en vain, pour sauver sa sœur Émilie Chalgrin de l’échafaud, l’empêchent toutefois de quitter Paris.
En 1793, dans le contexte de la Terreur, le citoyen Carle Vernet présente, aux dires de la Revue républicaine : « l’ouvrage le plus capital du Salon et qui peut tenir le milieu entre ce qu’on nomme le genre et l’histoire ». Le tableau est présenté sous un titre prudent : Une chasse dans le genre anglais, au moment de l’attaque. L’œuvre s’identifie sans doute avec un tableau depuis rendu à son titre véritable : Une partie de chasse à Méréville chez le marquis de Laborde. Elle témoigne des derniers fastes de Méréville, le nouveau château de Laborde, près d’Étampes, acquis en 1784 par le richissime banquier de Louis XV. Le duc d’Orléans, qui y figure, est sans doute à l’origine de la commande. C’est peut-être la plus aboutie des compositions cynégétiques de Vernet en même temps qu’un chef-d’œuvre d’audace. L’artiste – sans doute ravi de son pied-de-nez – n’y glorifie-t-il pas le loisir emblématique de l’aristocratie déchue ?
Carle Vernet (ci-dessus, au premier plan, avec le peintre Lethière) exprime sa verve et sa légendaire joie de vivre à l’avènement du Directoire. Il s’y complait à caricaturer les extravagantes coiffures en « coup de vent » et en « oreilles de chiens » des Merveilleuses et des Incroyables. En 1798, J. Louis Darcis accepte de graver ces premiers sujets de la carrière de Vernet. Ni l’un, ni l’autre ne se doute du succès étourdissant que va rencontrer cette première série d’estampes, inaugurant un aspect prolifique de la carrière de l’artiste. Sans doute Carle est-il trop occupé à jouir de la vie parisienne, au café de Foy, parmi ses amis et bientôt collaborateurs Jean-Baptiste Isabey et Louis Léopold Boilly.
C’est peut-être Isabey, « son camarade d’atelier, de plaisirs et d’équitation », qui l’introduit auprès de la famille Bonaparte dont il est l’intime. La période la plus commentée de la carrière de Vernet s’ouvre. Il est appelé à s’y distinguer comme l’illustrateur des batailles du Consulat et des chasses de l’Empire. Après la livraison, en, 1799, de sa première commande napoléonienne : La Revue aux Tuileries, Bonaparte choisit Vernet pour l’accompagner lors de la seconde campagne d’Italie, en 1800. L’artiste suit le Premier Consul sur tous les champs de bataille, le portraiture en plusieurs occasions, et livre à son retour le fruit de ses dons d’observations.
Dès lors Carle Vernet diversifie sa contribution à la gloire napoléonienne. Le maréchal Berthier, en sa qualité de Grand veneur de Napoléon Ier, contribue à faire de lui l’illustrateur officiel des chasses de l’empereur. Plus aucun fait du prince n’échappe désormais au pinceau du jeune chevalier de la Légion d’honneur.
Pourtant, c’est avec soulagement que Carle Vernet accueille l’avènement de la Restauration. Le nouveau régime le couvre d’honneur. Par son élection à l’Institut en 1826, il rejoint son père et fait honneur à la mémoire de son grand-père, faisant dire au comte de Forbin, directeur général des musées royaux : « Pour les Vernet, le fauteuil académique est un meuble de famille. » Carle fait plus ouvertement allégeance à la famille de Louis XVIII en présentant, au Salon de 1814, SAR Mgr le duc de Berry en uniforme du 6e régiment de lanciers. L’hommage est apprécié et Carle se voit admis à suivre les chasses royales pour mieux mettre son pinceau au service du régime. Il s’attache particulièrement au plus brillant veneur de la famille royale : ainsi, ce sont encore les hauts faits de l’équipage de chasse du duc de Berry que Carle dépeint dans sa plus ambitieuse composition cynégétique de la Restauration, une Chasse au daim pour la Saint-Hubert, en 1818, dans les bois de Meudon (Salon de 1827).
Entouré de la tendre attention de son fils qu’il chérit jalousement, Carle Vernet vieillit paisiblement entre Paris et Rome où Horace dirige l’Académie de France de 1828 à 1835. Assumant de plus en plus son penchant naturel, il s’y amuse plus qu’il n’y travaille. Dans une lettre du 17 janvier 1831, Félix Mendelssohn décrit l’une des nombreuses fêtes données à la villa Médicis : « Carle Vernet (…) dansa ce soir là une contre-danse avec tant de légèreté, il fit tant d’entrechats et varia si bien ses pas qu’on ne regrettait qu’une chose, c’est qu’il eut 72 ans. Il fatigue chaque jour deux chevaux sous lui, puis il peint et dessine un peu, et le soir il faut qu’il soit en société… » Peut-être moins royaliste qu’éternellement fashionable, il abandonne son projet de peindre Louis XVIII allant rendre grâce à Dieu à Notre-Dame, mais livre au banquier Georges Schickler – sportsman accompli, membre du Jockey Club et propriétaire d’une écurie de course – son dernier format monumental : Le Départ de la Chasse (Salon de 1831). Le régime ne lui en tient pas rigueur qui le fait officier de la Légion d’honneur et l’élève dans l’ordre de Saint-Michel. Sous la Monarchie de Juillet, on achemine vers le futur Musée de l’Histoire de France à Versailles, nombre de ses oeuvres. Celles qui ne sont pas disponibles font l’objet de copies. Carle est trop âgé pour prendre part au projet, mais pas assez pour cesser d’aller trotter quotidiennement au Bois ou pour renoncer à fréquenter « ce café de Foy dont il était le plus ancien et le plus fidèle habitué ». Carle Vernet meurt le 27 novembre 1836 à son domicile de la rue Saint-Lazare, sans doute inconscient d’avoir été le rénovateur de l’iconographie cynégétique française. L’histoire de l’art le reconnaît comme le chef des « hippodophiles », ouvrant la brèche qui – en passant par son glorieux élève Théodore Géricault – mène à Eugène Delacroix et à Edgar Degas.
Rédigé le 25 mars 2011 dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)
Monsieur : Arty Dandy
Le magazine Monsieur (n°87, mars-avril 2011) vient de paraître. Parmi tous les articles, rubriques et reportages alléchants, nous avons retenu pour vous quelques images de la série S'habiller pour la galerie. Sur fond d'oeuvres d'art contemporain (Galerie Lelong, Paris), en prélude à la manifestation Art Paris, une belle série, très Arty Dandy...
La série complète, les références des tenues présentées et plein d'autres choses encore dans le dernier numéro de Monsieur, 5 €, en kiosque (photos Dinah Hayt).
Rédigé le 09 mars 2011 dans Mode homme, Presse | Lien permanent | Commentaires (0)
Pierre Benoît : Koenigsmark
En face de moi, un groupe de jeunes gens menait grand bruit. Je regardai avec envie leur aplomb, leur mise, tout ce bonheur auquel je n'atteindrais peut-être jamais. Ah ! vraiment, comme il était peu fait pour l'Université, ce jeune homme que laissaient sceptique les étalages d'érudition, les bibliographies, les références, et à qui la vue d'un veston bien coupé, d'une cravate savamment nouée, de fines chaussettes devinées sous le rempli du pantalon donnait presque des battements de coeur (...) Le reste de la soirée se passa en courses chez les tailleurs, les bottiers, les chemisiers. Pour la première fois de ma vie, je connus la joie admirable et amère de l'argent dépensé sans compter. De taille ordinaire, je n'eus pas de peine à trouver à Old England un complet, un pardessus, des chaussures à ma taille. On fit un paquet de mes pauvres nippes qu'on renvoya rue Cujas. Alors, confiant en moi-même, je me risquai chez un grand tailleur. Avec l'autorité que me donnait mon portefeuille, je commandai un habit, une redingote, un autre veston. Je payai d'avance les 800 francs demandés sur la promesse que tout me serait livré le surlendemain soir (...)
[Le héros de Koenigsmak, Raoul Vignerte, se présente ensuite, dans ses habits de confection, à son ami Ribeyre. Ce dernier ne peut s'empêcher de remarquer sa subite transformation. Vignerte s'interroge pourtant sur l'effet qu'il produit :]
Quand Mme de Rénal fait abandonner à Julien Sorel sa petite veste de ratine, quand Lucien Chardon, pour s'y muer en Rubempré, arrive à Paris avec Mme de Villeneuve-Bargeton, née Nègrepelisse d'Espard, ces jeunes gens trouvent immédiatement leur chemin de Damas. Il n'y a pas eu pour eux d'étape dans le dandysme. Je crus saisir une nuance d'étonnement moqueur chez Ribeyre. Je pensai à Baudelaire dont Gautier disait qu'il râpait avec du papier de verre ses nouveaux habits pour leur ôter cet éclat du neuf, si cher aux philistins et aux bourgeois. Mon assurance en vacilla, mon plaisir risqua de s'en trouver gâté. Puis : "Bah ! pensai-je. Ce n'est que de la confection. Je ne pouvais pourtant venir ici avec mes souliers éculés et mon veston d'il y a deux ans. Ils verront bien dans deux jours." Et la certitude d'être allé chez un des tailleurs les plus coûteux me rendit toute ma confiance.
Pierre Benoît, de l'Académie française, Koenigsmark, 1918.
Illustration : affiche de l'adaptation cinématographique (version 1953), avec Jean-Pierre Aumont et Sylvana Pampanini.
Rédigé le 25 février 2011 dans Dans le texte | Lien permanent | Commentaires (0)
Carle Vernet, peintre dandy (1)
Conservateur au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris, Raphaël Abrille s’est penché sur la vie et la personnalité de Carle Vernet, peintre dandy, à qui l’on attribue une part active dans l’introduction en France de l’iconographie fashionable. Avec l’aimable autorisation de l’auteur, nous reprenons ici les principales lignes de son étude.
Antoine Charles Horace, dit Carle Vernet, naît le 14 août 1758 à Bordeaux où son père Joseph poursuit la commande royale de la série des « Ports de France ». C’est en grande partie à ce père que l’on doit l’infusion d’anglomanie qui baigne le jeune Carle.
Les dispositions précoces de Carle pour le dessin – il aurait commencé à dessiner à l’âge de quatre ans – font la joie de Joseph Vernet. Le cheval est son premier sujet. Son habileté fait merveille dans le salon du comte d’Angivilliers où son père le mène alors qu’il n’a que cinq ans. En matière d’art équestre, ses sources lui sont directement fournies par son père. Entre deux visites au manège d’Astley père et fils, écuyers anglais établis dans une charmante salle du faubourg du Temple, Carle trouve son inspiration dans les estampes anglaises reproduisant les modèles contemporains de la sporting painting. Joseph se fournit sans doute chez des marchands d’estampes tels Wille, Jean-François Basan ou Guichardot qui diffusent à Paris les images de ce genre très prisé en Angleterre depuis le début du XVIIIe siècle. Les chasses montées et les courses de chevaux de John Wooton, James Seymour ou George Stubbs investissent l’imaginaire de Carle. Dans le salon de Madame Geoffrin, où son père l’introduit, Carle côtoie la société d’Outre-Manche. Son élégance et sa distinction toute britannique ne manquent pas d’y séduire.
La pratique de l’équitation, affectueusement financée par Joseph Vernet, concrétise son approche. Assidu des champs de course, il y retrouve le marquis de Villette – fils de l’un des amateurs les plus fervents des marines de son père – et un sportsman accompli : l’intrépide duc de Lauraguais. À leur suite, Carle entre dans le cercle d’une société anglomane et dandy dont il devient la coqueluche. Le duc d’Orléans, futur Philippe-Égalité, est le tout premier à appliquer la mode anglaise à la pratique de la chasse à courre. Non content d’adopter la redingote rouge dès 1783, au retour d’un voyage en Angleterre, il fait venir d’Outre-Manche chiens et chevaux pur-sang destinés aux haras qu’il fonde à Viroflay et à Meudon. Le duc est un familier de Joseph Vernet qu’il fréquente à la loge maçonnique des Neuf Sœurs. C’est dans ses écuries que sont hébergés les chevaux que Joseph offre successivement à Carle en 1778 et en 1783. Dès lors, Carle devient un habitué des chasses du duc.
L’anglomanie du jeune Carle n’est combattue que par sa formation académique, commencée dès l’âge de onze ans, dans l’atelier de Nicolas Bernard Lépicié, « peintre austère et bizarre qui, entre autres manies, avait celle de s’habiller toujours en moine » (ci-dessus, Le petit dessinateur, portrait de Carle Vernet par Lépicié, 1772, Musée du Louvre). Celui-ci conduit Carle à concourir pour le Prix de Rome. Après un premier échec, en 1779, Carle concourt à nouveau en 1781. Son Enfant prodigue remporte alors les suffrages du jury.
Le voyage de Rome est pourtant un échec personnel. Carle laisse derrière lui l’élue de son cœur et les courses de barberi l’inspirent moins que les pur-sang des hippodromes parisiens.
Parti de Paris en octobre 1782, le jeune dandy n’emporte pas moins de onze habits (un violet, un noisette à collet aurore, un gris mélangé, un suie de cheminée, un rouge à collet vert, un rouge à collet noir, un bleu, un de ratine carmélite, un de soye bleu de roy à veste brodée, un blanc et gris de lin et un blanc) à assortir avec quelque trente-huit gilets. S’inquiétant de cette « affectation bizarre du costume anglais » le comte d’Angivilliers s’en ouvre à Louis Lagrenée. Mais le directeur de l’Académie de France à Rome se préoccupe davantage de la crise mystique qui menace Carle de troquer sa panoplie de muscadin contre la bure monacale : « Le sieur Vernet est triste et maigri ; je crains que le climat de Rome ne lui soit pas avantageux ».
Prévenu en ces termes, Joseph favorise habilement le retour de son fils à Paris, dès le mois de mai 1783 puis l’emmène en Angleterre. « Venir à Londres sans voir les courses, c’est aller à Rome sans voir Saint-Pierre. » Carle Vernet tire plus de profit de son voyage dans la capitale britannique que de son séjour romain et se fait fort, entre deux réceptions, d’assister au fameux derby d’Epsom.
De retour à Paris, Carle renoue avec les plaisirs de la vie mondaine tout en s’attelant à son morceau de réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Le Triomphe de Paul Emile (ci-dessus, détail) est l’événement du Salon de 1789. Dans sa très néoclassique composition en frise, la toile se ressent de l’influence de Jacques-Louis David. Mais Carle saisit, avant tout, le prétexte d’un défilé militaire pour représenter une longue théorie de chevaux fringants. L’œuvre définit les ambitions contradictoires de l’artiste, entre classicisme de commande et anglomanie assumée, peinture d’histoire et scène de genre. Le succès lui fait sans doute espérer ne plus avoir à se soucier d’académisme...
(à suivre)
Rédigé le 22 février 2011 dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)
L'art du portrait (6)
Une des dernières acquisitions du musée d'Orsay (Paris) : le portrait du comédien Henri Samary (1865-1902), de la Comédie française, par le peintre Louis Anquetin, vers 1880.
Rédigé le 12 janvier 2011 dans L'art du portrait | Lien permanent | Commentaires (0)
2011... déjà !
Nous souhaitons une excellente nouvelle année à tous nos lecteurs !
Rédigé le 03 janvier 2011 dans Le weblog LND | Lien permanent | Commentaires (0)
Sur les traces de... Brummell à Calais
Le séjour de Brummell à Caen est aujourd’hui bien documenté*. Sans doute son poste officiel – bien que temporaire – de consul britannique et le fait que Caen fut le théâtre funeste du déclin de Brummell ont motivé l'intérêt des chercheurs et des historiens.
Son passage par Calais, où il resta plus de 14 ans est moins bien connu. C'est sur ces infimes traces laissées là par Brummell que nous vous invitons donc à « péleriner ».
On sait que Brummell franchit la Manche, le 16 mai 1816. Poursuivi par ses créanciers, brouillé avec le Régent à qui il a décoché quelques « piques » en public, ruiné par la passion du jeu, l’arbitre des élégances quitte l’Angleterre, à l’instar de lady Hamilton, quelque temps auparavant**.
A Calais, il fréquente surtout l’hôtel Dessin, qui doit son nom à la famille de ses propriétaires. L’hôtel est également surnommé « L’auberge des Rois », car il a le privilège d’accueillir régulièrement les têtes couronnées de passage : Pierre Ier déjà, au XVIIIe siècle, George IV en 1820, Napoléon III au XIXe siècle… L’auberge-hôtel se trouve rue Royale. Cette artère principale de Calais a changé de nom au fil des siècles : Great Friars Street lors de l’occupation anglaise, de 1347 à 1558, elle devient successivement « rue Royale », « de l’Egalité » sous la Révolution, « Impériale » sous Napoléon Ier, avant de retrouver son premier vocable avec la Restauration. Le tracé actuel de la rue n’est plus exactement le même que du temps de Brummell : les bombardements de la 2e Guerre mondiale ont profondément modifié la physionomie de la ville. De même, les maisons anciennes ont disparu, remplacés par des constructions plus modernes (ci-dessous) et il ne reste plus rien aujourd'hui de l'hôtel Dessin, connu seulement par quelques gravures (ci-dessus) et descriptions (Sterne, Le voyage sentimental), et qui fut pourtant, un siècle durant, jusqu’à sa fermeture en 1860, l'établissement hôtelier le plus important de la ville.
On sait, par quelques témoignages, que Brummell fréquente l’endroit quotidiennement et qu'il y prend ses repas. Il y rencontre les Britanniques de passage : on peut imaginer les conversations des voyageurs - surpris de croiser là le célèbre dandy - avec Brummell, heureux de jouer son rôle de bel indifférent. L'hôtelier, Léon Dessin, voit d'ailleurs dans sa présence une bénédiction : l'arbitre des élégances est une espèce de faire-valoir auprès de la clientèle anglaise, qu’il pousse à la dépense ! En retour, Léon Dessin lui fait volontiers crédit (Brummell lui laissera d’ailleurs, à son départ pour Caen en 1830, une note impayée impressionnante).
Dans la même rue, à quelques pas de l'entrée de l'hôtel, se trouve la librairie « internationale » d’Antoine Leleux. Leleux et Dessin sont amis et frères en Maçonnerie. La librairie, ouverte en 1817, avec la vague anglomane qui accompagne le retour des Emigrés, attire là encore la clientèle anglaise de l’hôtel. On peut y trouver les journaux londoniens de la veille et le visiteur passe donc facilement de l'hôtel Dessin à la librairie Leleux.
Brummell fréquente lui aussi la librairie, et même assidûment, d’autant que Leleux, en voyage en Colombie entre 1822 et 1824, lui laisse sa chambre, sans doute gratuitement. Ainsi, dans les colonnes du recensement de 1823 on lit :
Rue Royale à Calais :
n° 6-7
1578 Pierre Antoine Leleux (actuellement en Colombie), libraire, 41 ans
1579 Adèle Leleux, célibataire, 22 ans
1580 Eugène Leleux, 4 ans
1581 Jules Leleux, 3 ans
1582 Charles Sergeant, logé sur place, commis libraire, 22 ans
1583 Claudine Chaudy, domestique, 22 ans
1584 George Brummell, logé au mois, rentier [sic], Anglais, 55 ans
1585 Raimond Wattel, ouvrier relieur, 20 ans
1586 Félicité Blondel, logée sur place, couturière, 18 ans
Peut-être les deux hommes se connaissent depuis longtemps, avant même l’arrivée de Brummell à Calais. En effet, Leleux a appris son métier de libraire chez Dulau (à Londres) de 1802 à 1810. De la même façon, Brummell a peut-être fait la connaissance en Angleterre d'un autre de ses compagnons calaisiens, Louis Francia, aquarelliste de renom, émigré dans la capitale britannique de 1788 à 1817.
En tout cas, à Calais, Leleux, Francia et Brummell forment un fameux trio jusqu’au départ du dandy en 1830. Comme on sait, à cette date, on propose à Brummell le poste de consul britannique à Caen. Brummell quitte le Pas-de-Calais pour la Normandie.
L’indicateur de Calais, Journal du Commerce, de la Littérature et des Arts du 21 mai 1830 salue son départ en ces termes :
« M. George Brummell vient de recevoir sa nomination de consul de S.M.B. à la résidence de Caen. Nous verrons s’éloigner à regret cet estimable étranger qu’un séjour de près de quinze années a rendu en quelque sorte notre compatriote. L’Exequatur du roi de France lui a été adressé il y a quelques jours. »
* voir par exemple : Maurice-Ch. Renard, Brummel et son ombre, Caen : 1830-1840, Ed. Perrin, 1944.
** Lady Hamilton avait précédé Brummell de deux ans. Harcelée de même par ses créanciers, l'ancienne maîtresse de Nelson, mort en 1805, quitte l'Angleterre en 1814 et se réfugie à Calais à... l'hôtel Dessin ! Elle décède en janvier 1815.
*
Nous tenons ici à remercier chaleureusement l'association Les amis du Vieux Calais qui a eu la gentillesse de nous fournir l'essentiel de nos renseignements et de notre documentation.
Rédigé le 24 novembre 2010 dans Pèlerinages | Lien permanent | Commentaires (1)
Pub dandy : campagne 2010 Oliver Peoples
Une vidéo qui nous avait échappé il y a quelques mois : le clip de la campagne 2010 de la marque Oliver Peoples (lunettes) avec Shirley Manson et Elijah Wood (musique : Zee Avi). Chic, décalé, dandy, décadent... On aime !
Merci à Jeremy, notre opticien préféré, d'avoir attiré notre attention sur cette vidéo !
Rédigé le 30 octobre 2010 dans Pub dandy | Lien permanent | Commentaires (1)
En bref...
- Information capitale et musicale : Max Raabe, accompagné par le Palast Orchester, donnera deux concerts en France au printemps prochain. Le premier aura lieu à Paris, le 10 mars 2011, au Grand Rex, le second, le lendemain, à l'opéra de Vichy. N'attendez pas pour prendre vos places (billetteries habituelles) !
- Un nouveau site sur Oscar Wilde (oscarwilde.fr) est en ligne depuis quelques semaines déjà. Outre les éléments biographiques et chronologiques, on y trouvera une multitude de liens vers les oeuvres de Wilde disponibles en ligne. Le site s'enrichit régulièrement d'articles nouveaux. A ajouter donc à vos favoris.
- Le musée Carnavalet (Paris) propose jusqu'au 27 février une passionnante exposition intitulée Voyage en capitale, Louis Vuitton & Paris, qui retrace l'histoire de la célèbre marque, depuis ses débuts (ouverture du 1er magasin en 1854) jusqu'à la période contemporaine (créations récentes, installation vidéo in situ de Frédérique Chauveau). A noter : une salle, consacrée aux "malles" masculines, et baptisée "Dandys"... Nous y reviendrons plus longuement dans une prochaine note.
Rédigé le 28 octobre 2010 dans En bref..., Exposition, Musique | Lien permanent | Commentaires (0)
Pub : octobre élégant
Lire la suite "Pub : octobre élégant" »
Rédigé le 12 octobre 2010 dans Mode homme, Pub dandy | Lien permanent | Commentaires (0)
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Les nouveaux dandys : livres / dandysme(s)
Balzac, Honoré de: Traité de la vie élégante Barbey d' Aurevilly, Jules: Du dandysme et de George Brummell
Baudelaire, Charles : Le Peintre de la vie moderne
Camus, Albert : L'Homme révolté
Carassus, Emilien: Le mythe du dandy Cicolini, Alice: The New English Dandy
Cocksey, David : Dandysmes : Une histoire de séduction D'Alkemade, Valérie: Dandys : Abécédaire impertinent du dandysme et des néo-dandys
Delbourg-Delphis, Marylène: Masculin singulier - Le Dandysme et son histoire
Dolto, Françoise: Le Dandy
Dufresne, Jean-Luc : Dandysmes 1808-2008 : de Barbey d'Aurevilly à Christian Dior
Erbe, Günter : Dandys - Virtuosen der Lebenskunst.
Favardin, Patrick - Bouexiere, Laurent: Le dandysme Fillin-Yeh, Susan: Dandies : Fashion and Finesse in Art and Culture
Garelick, Rhonda K. : Rising star, dandyism, gender, and the performance in the Fin de Siecle
Huizing, Klaas: Der letzte Dandy
Kempf, Roger: Dandies. Baudelaire et Cie
Lemaire, Michel: Le dandysme de Baudelaire et de Mallarmé Levillain, Henriette: L'Esprit Dandy. De Brummell à Baudelaire
Liedekerke, Arnould de: Talon rouge, Barbey d'Aurevilly, le dandy absolu
Lord Breaulove Swells Whimsy: The Affected Provincial's Companion
Natta, Marie-Christine : La Grandeur Sans Convictions - Essai Sur Le Dandysme Prevost, John C. : Le Dandysme en France : 1817-1839 Raynaud, Ernest: Baudelaire et la religion du dandysme
Salvatore Schiffer, Daniel: Philosophie du dandysme : une esthétique de l'âme et du corps
Salvatore Schiffer, Daniel : Le dandysme, dernier éclat d'héroïsme
Scaraffia, Giuseppe : Petit dictionnaire du dandy Stanton, Domna C. : The Aristocrat as Art: a study of the honnête homme and the dandy in seventeenth and nineteenth-century French literature
Vibart, Eric: Alain Gerbault : Vie et voyages d'un dandy révolté des années folles
Walden, George : Who's a Dandy: Dandyism and George Brummell
Les Nouveaux Dandys : livres / dandys
Baldick, Robert : La Vie de J. K. Huysmans Baronian, Jean-Baptiste : Baudelaire
Barry, Joseph: Ma soeur, ma douce soeur [Byron] Belford, Barbara : Oscar Wilde
Cabré, Monique: La légende du Chevalier d'Orsay Castellane, Boni de: Mémoires de Boni de Castellane, 1867-1932
Chaleyssin, Patrick : Robert de Montesquiou mécène et dandy Cocteau, Jean : La difficulté d'être
Collectif: Robert de Montesquiou, ou l'art de paraitre
Dufilho, Jérôme : Constantin Guys 1802-1892. Fleurs du mal
Foulkes, Nick : Last of the Dandies: The Fashionable Life of Count D'Orsay
Gramont, Elisabeth de : Barbey d'Aurevilly Harris, Frank: La vie et les confessions d'oscar wilde, 2
Jullian, Philippe: Robert de Montesquiou, un prince 1900 Kelly, Ian : Beau Brummell
Langlade, J. de: Brummell ou le prince des dandys Liedekerke, Arnould de: Talon rouge, Barbey d'Aurevilly, le dandy absolu
Marchand, Leslie : Dictionnaire de Lord Byron
Matzneff, Gabriel : La Diététique de lord Byron
Maurois, André : Don Juan ou la vie de Byron
Mension-Rigau, Eric: Boni de Castellane
Montgomery, Hyde H. : Oscar Wilde. Les années maudites Raby, Peter: The Cambridge Companion to Oscar Wilde
Renard, Maurice-Ch. : Brummel et son ombre, Caen : 1830-1840 Romilly, Jacqueline de : Alcibiade ou les dangers de l'ambition
Salvatore Schiffer, Daniel : Oscar Wilde
Sartre, Jean-Paul : Baudelaire
Taillandier, François : Un réfractaire : Barbey d'Aurevilly
Taillandier, François : Balzac
Les nouveaux dandys : livres / littérature
Poésie 1 - Vagabondages, numéro 25 : poésie et dandysme
Balzac, Honore de: Illusions perdues
Balzac, Honoré de : Béatrix
Bancquart, Marie-Claire : Ecrivains fin-de-siècle
Barbey d'Aurevilly, Jules: Les Diaboliques
Baudelaire, Charles: Ecrits sur l'art
Baudelaire, Charles: Fusées - Mon coeur mis à nu - La Belgique déshabillée - Amoenitates Belgicae
Bourget, Paul: Le Disciple
Bulwer Lytton, Edward: Pelham: Or, the Adventures of a Gentleman
Byron, George Gordon, Lord: Poèmes
Byron, Lord: Don Juan
Disraeli, Benjamin: Vivian Grey
Drieu La Rochelle, Pierre: Gilles
Fitzgerald, Francis Scott : Gatsby le magnifique
Gautier, Théophile : Les Jeunes France: romans goguenards Hesse, Hermann : Le Loup des steppes
Huysmans, JK: A rebours
Jullian, Philippe: Journal 1940-1950
Kastura, Thomas: Dandys
Lacenaire, Pierre-François : Mémoires et autres écrits
Mann, Thomas : La Mort à Venise
Montesquiou, Robert de : Les pas effacés : Mémoires (Tome 1)
Pater, Walter : Essais sur l'art de la Renaissance
Pater, Walter : Marius, l'épicurien
Proust, Marcel : Un amour de Swann
Proust, Marcel : A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du Côté de chez Swann
Radiguet, Raymond : Le Bal du comte d'Orgel
Stendhal: Le Rouge et le Noir
Stendhal: Souvenirs d'égotisme
Sue, Eugène : Les Mystères de Paris
Thackeray, William Makepeace : Mémoires de Barry Lyndon du royaume d'Irlande contenant le récit de ses aventures extraordinaires...
Tomasi di Lampedusa, Giuseppe : Le Guépard
Waugh, Evelyn : Retour à Brideshead
Whistler, James Abbott Mcneill : The Gentle Art of Making Enemies
Wilde, Oscar: Le Portrait de Dorian Gray
Wilde, Oscar: La Ballade de la geôle de Reading
Wilde, Oscar : Salomé
Wilde, Oscar : Aphorismes
Les Nouveaux dandys : livres / mode - élégance
Balzac, Honoré de : Théorie de la démarche et Autres textes
Barillé, Élisabeth : Le livre du parfum
Blackman, Cally : 100 ans de mode masculine
Borne, Hervé: Des montres & des hommes
Boswell, Suzanne: Menswear: Suiting the Customer
Chaille, François : L'ABCdaire de la cravate
Chaille, François : Cravates
Collectif: L'abcdaire du parfum
Ficat, Jean-Jacques : L'art de bien se chausser
Flusser, Alan J. : Style and the Man
Flusser, Alan J. : Dressing the Man: Mastering the Art of Permanent Fashion
Lechevalier, Corinne: Le chic au masculin
Peres, Daniel: Details, Men's Style Manual: The Ultimate Guide for Making Your Clothes Work for You
Pinfold, Wallace G. : Rasé de près... ou la perfection quotidienne au masculin
Roetzel, Bernhard: L'Eternel masculin
Ruppert, Jacques: Le costume français
Smith, Russell: Men's Style: The Thinking Man's Guide to Dress
Veuillet-Gallot, Rebe : Le Guide du parfum
Les Nouveaux Dandys : livres / lieux - décoration
Beauthéac, Nadine : L'art de vivre au temps de Proust
Calloway, Stephen : Divinement décadent
Collectif: Femmes peintres et salons au temps de Proust : de Madeleine Lemaire à Berthe Morisot
Heugel, Ines: Les arts de la table français
Quella-Villéger, Alain : Chez Pierre Loti : Une maison d'écrivain-voyageur (1DVD)
Sauvat, Catherine : Objets de beauté
Les Nouveaux Dandys : livres / histoire - contexte
Abbé Mugnier: Journal de l'abbé Mugnier, 1879-1939
d' Ariste, Paul: La Vie et le monde du boulevard 1830-1870. Un dandy Nestor Roqueplan. Préface de Jacques Boulenger Duby, Georges: Histoire de la vie privée. Tome IV. De la Révolution à la Grande Guerre
Fouquières, André de: Cinquante ans de panache Martin-Fugier, Anne: La vie élégante, ou La formation du Tout-Paris, 1815-1848
Martin-Fugier, Anne: La vie d'artiste au XIXe siècle
Pringué, Gabriel-Louis: 30 ans de diners en ville
Les Nouveaux Dandys : livres / étiquette
Baronne Staffe: Le carnet du savoir-vivre
Collectif: L'art de la conversation, anthologie
Rouvillois, Frédéric : Histoire de la politesse : de la Révolution à nos jours
Les Nouveaux Dandys : livres / snobs - snobisme
Ricaumont, Jacques de: Eloge du snobisme
Moonen, Antonius: Petit bréviaire du snobisme
Daninos, Pierre: Snobissimo
Fellowes, Julian : Snobs
Jullian, Philippe : Dictionnaire du snobisme
Rouvillois, Frédéric : Histoire du snobisme
Sitwell, Edith : Les excentriques anglais
Thackeray, William-Makepeace : Le Livre des snobs
Carle Vernet, peintre dandy (2)
Mais l’épisode révolutionnaire retarde la délivrance. Son père, Joseph Vernet, meurt quelques mois après la prise de la Bastille ; le triste évènement augure d’une période difficile pour Carle, partagé entre un indéniable « vieux fond de royalisme » et sa tentation d’adhérer au processus révolutionnaire.
Plus tard, quand la situation s’envenime, le peintre songe à s’exiler. L’attaque des Tuileries, qui chasse sa famille de son logement du Louvre et le long combat qu’il mène, en vain, pour sauver sa sœur Émilie Chalgrin de l’échafaud, l’empêchent toutefois de quitter Paris.
En 1793, dans le contexte de la Terreur, le citoyen Carle Vernet présente, aux dires de la Revue républicaine : « l’ouvrage le plus capital du Salon et qui peut tenir le milieu entre ce qu’on nomme le genre et l’histoire ». Le tableau est présenté sous un titre prudent : Une chasse dans le genre anglais, au moment de l’attaque. L’œuvre s’identifie sans doute avec un tableau depuis rendu à son titre véritable : Une partie de chasse à Méréville chez le marquis de Laborde. Elle témoigne des derniers fastes de Méréville, le nouveau château de Laborde, près d’Étampes, acquis en 1784 par le richissime banquier de Louis XV. Le duc d’Orléans, qui y figure, est sans doute à l’origine de la commande. C’est peut-être la plus aboutie des compositions cynégétiques de Vernet en même temps qu’un chef-d’œuvre d’audace. L’artiste – sans doute ravi de son pied-de-nez – n’y glorifie-t-il pas le loisir emblématique de l’aristocratie déchue ?
Carle Vernet (ci-dessus, au premier plan, avec le peintre Lethière) exprime sa verve et sa légendaire joie de vivre à l’avènement du Directoire. Il s’y complait à caricaturer les extravagantes coiffures en « coup de vent » et en « oreilles de chiens » des Merveilleuses et des Incroyables. En 1798, J. Louis Darcis accepte de graver ces premiers sujets de la carrière de Vernet. Ni l’un, ni l’autre ne se doute du succès étourdissant que va rencontrer cette première série d’estampes, inaugurant un aspect prolifique de la carrière de l’artiste. Sans doute Carle est-il trop occupé à jouir de la vie parisienne, au café de Foy, parmi ses amis et bientôt collaborateurs Jean-Baptiste Isabey et Louis Léopold Boilly.
C’est peut-être Isabey, « son camarade d’atelier, de plaisirs et d’équitation », qui l’introduit auprès de la famille Bonaparte dont il est l’intime. La période la plus commentée de la carrière de Vernet s’ouvre. Il est appelé à s’y distinguer comme l’illustrateur des batailles du Consulat et des chasses de l’Empire. Après la livraison, en, 1799, de sa première commande napoléonienne : La Revue aux Tuileries, Bonaparte choisit Vernet pour l’accompagner lors de la seconde campagne d’Italie, en 1800. L’artiste suit le Premier Consul sur tous les champs de bataille, le portraiture en plusieurs occasions, et livre à son retour le fruit de ses dons d’observations.
Dès lors Carle Vernet diversifie sa contribution à la gloire napoléonienne. Le maréchal Berthier, en sa qualité de Grand veneur de Napoléon Ier, contribue à faire de lui l’illustrateur officiel des chasses de l’empereur. Plus aucun fait du prince n’échappe désormais au pinceau du jeune chevalier de la Légion d’honneur.
Pourtant, c’est avec soulagement que Carle Vernet accueille l’avènement de la Restauration. Le nouveau régime le couvre d’honneur. Par son élection à l’Institut en 1826, il rejoint son père et fait honneur à la mémoire de son grand-père, faisant dire au comte de Forbin, directeur général des musées royaux : « Pour les Vernet, le fauteuil académique est un meuble de famille. » Carle fait plus ouvertement allégeance à la famille de Louis XVIII en présentant, au Salon de 1814, SAR Mgr le duc de Berry en uniforme du 6e régiment de lanciers. L’hommage est apprécié et Carle se voit admis à suivre les chasses royales pour mieux mettre son pinceau au service du régime. Il s’attache particulièrement au plus brillant veneur de la famille royale : ainsi, ce sont encore les hauts faits de l’équipage de chasse du duc de Berry que Carle dépeint dans sa plus ambitieuse composition cynégétique de la Restauration, une Chasse au daim pour la Saint-Hubert, en 1818, dans les bois de Meudon (Salon de 1827).
Entouré de la tendre attention de son fils qu’il chérit jalousement, Carle Vernet vieillit paisiblement entre Paris et Rome où Horace dirige l’Académie de France de 1828 à 1835. Assumant de plus en plus son penchant naturel, il s’y amuse plus qu’il n’y travaille. Dans une lettre du 17 janvier 1831, Félix Mendelssohn décrit l’une des nombreuses fêtes données à la villa Médicis : « Carle Vernet (…) dansa ce soir là une contre-danse avec tant de légèreté, il fit tant d’entrechats et varia si bien ses pas qu’on ne regrettait qu’une chose, c’est qu’il eut 72 ans. Il fatigue chaque jour deux chevaux sous lui, puis il peint et dessine un peu, et le soir il faut qu’il soit en société… » Peut-être moins royaliste qu’éternellement fashionable, il abandonne son projet de peindre Louis XVIII allant rendre grâce à Dieu à Notre-Dame, mais livre au banquier Georges Schickler – sportsman accompli, membre du Jockey Club et propriétaire d’une écurie de course – son dernier format monumental : Le Départ de la Chasse (Salon de 1831). Le régime ne lui en tient pas rigueur qui le fait officier de la Légion d’honneur et l’élève dans l’ordre de Saint-Michel. Sous la Monarchie de Juillet, on achemine vers le futur Musée de l’Histoire de France à Versailles, nombre de ses oeuvres. Celles qui ne sont pas disponibles font l’objet de copies. Carle est trop âgé pour prendre part au projet, mais pas assez pour cesser d’aller trotter quotidiennement au Bois ou pour renoncer à fréquenter « ce café de Foy dont il était le plus ancien et le plus fidèle habitué ». Carle Vernet meurt le 27 novembre 1836 à son domicile de la rue Saint-Lazare, sans doute inconscient d’avoir été le rénovateur de l’iconographie cynégétique française. L’histoire de l’art le reconnaît comme le chef des « hippodophiles », ouvrant la brèche qui – en passant par son glorieux élève Théodore Géricault – mène à Eugène Delacroix et à Edgar Degas.
Rédigé le 25 mars 2011 dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)
Monsieur : Arty Dandy
Le magazine Monsieur (n°87, mars-avril 2011) vient de paraître. Parmi tous les articles, rubriques et reportages alléchants, nous avons retenu pour vous quelques images de la série S'habiller pour la galerie. Sur fond d'oeuvres d'art contemporain (Galerie Lelong, Paris), en prélude à la manifestation Art Paris, une belle série, très Arty Dandy...
La série complète, les références des tenues présentées et plein d'autres choses encore dans le dernier numéro de Monsieur, 5 €, en kiosque (photos Dinah Hayt).
Rédigé le 09 mars 2011 dans Mode homme, Presse | Lien permanent | Commentaires (0)
Pierre Benoît : Koenigsmark
En face de moi, un groupe de jeunes gens menait grand bruit. Je regardai avec envie leur aplomb, leur mise, tout ce bonheur auquel je n'atteindrais peut-être jamais. Ah ! vraiment, comme il était peu fait pour l'Université, ce jeune homme que laissaient sceptique les étalages d'érudition, les bibliographies, les références, et à qui la vue d'un veston bien coupé, d'une cravate savamment nouée, de fines chaussettes devinées sous le rempli du pantalon donnait presque des battements de coeur (...) Le reste de la soirée se passa en courses chez les tailleurs, les bottiers, les chemisiers. Pour la première fois de ma vie, je connus la joie admirable et amère de l'argent dépensé sans compter. De taille ordinaire, je n'eus pas de peine à trouver à Old England un complet, un pardessus, des chaussures à ma taille. On fit un paquet de mes pauvres nippes qu'on renvoya rue Cujas. Alors, confiant en moi-même, je me risquai chez un grand tailleur. Avec l'autorité que me donnait mon portefeuille, je commandai un habit, une redingote, un autre veston. Je payai d'avance les 800 francs demandés sur la promesse que tout me serait livré le surlendemain soir (...)
[Le héros de Koenigsmak, Raoul Vignerte, se présente ensuite, dans ses habits de confection, à son ami Ribeyre. Ce dernier ne peut s'empêcher de remarquer sa subite transformation. Vignerte s'interroge pourtant sur l'effet qu'il produit :]
Quand Mme de Rénal fait abandonner à Julien Sorel sa petite veste de ratine, quand Lucien Chardon, pour s'y muer en Rubempré, arrive à Paris avec Mme de Villeneuve-Bargeton, née Nègrepelisse d'Espard, ces jeunes gens trouvent immédiatement leur chemin de Damas. Il n'y a pas eu pour eux d'étape dans le dandysme. Je crus saisir une nuance d'étonnement moqueur chez Ribeyre. Je pensai à Baudelaire dont Gautier disait qu'il râpait avec du papier de verre ses nouveaux habits pour leur ôter cet éclat du neuf, si cher aux philistins et aux bourgeois. Mon assurance en vacilla, mon plaisir risqua de s'en trouver gâté. Puis : "Bah ! pensai-je. Ce n'est que de la confection. Je ne pouvais pourtant venir ici avec mes souliers éculés et mon veston d'il y a deux ans. Ils verront bien dans deux jours." Et la certitude d'être allé chez un des tailleurs les plus coûteux me rendit toute ma confiance.
Pierre Benoît, de l'Académie française, Koenigsmark, 1918.
Illustration : affiche de l'adaptation cinématographique (version 1953), avec Jean-Pierre Aumont et Sylvana Pampanini.
Rédigé le 25 février 2011 dans Dans le texte | Lien permanent | Commentaires (0)
Carle Vernet, peintre dandy (1)
Conservateur au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris, Raphaël Abrille s’est penché sur la vie et la personnalité de Carle Vernet, peintre dandy, à qui l’on attribue une part active dans l’introduction en France de l’iconographie fashionable. Avec l’aimable autorisation de l’auteur, nous reprenons ici les principales lignes de son étude.
Antoine Charles Horace, dit Carle Vernet, naît le 14 août 1758 à Bordeaux où son père Joseph poursuit la commande royale de la série des « Ports de France ». C’est en grande partie à ce père que l’on doit l’infusion d’anglomanie qui baigne le jeune Carle.
Les dispositions précoces de Carle pour le dessin – il aurait commencé à dessiner à l’âge de quatre ans – font la joie de Joseph Vernet. Le cheval est son premier sujet. Son habileté fait merveille dans le salon du comte d’Angivilliers où son père le mène alors qu’il n’a que cinq ans. En matière d’art équestre, ses sources lui sont directement fournies par son père. Entre deux visites au manège d’Astley père et fils, écuyers anglais établis dans une charmante salle du faubourg du Temple, Carle trouve son inspiration dans les estampes anglaises reproduisant les modèles contemporains de la sporting painting. Joseph se fournit sans doute chez des marchands d’estampes tels Wille, Jean-François Basan ou Guichardot qui diffusent à Paris les images de ce genre très prisé en Angleterre depuis le début du XVIIIe siècle. Les chasses montées et les courses de chevaux de John Wooton, James Seymour ou George Stubbs investissent l’imaginaire de Carle. Dans le salon de Madame Geoffrin, où son père l’introduit, Carle côtoie la société d’Outre-Manche. Son élégance et sa distinction toute britannique ne manquent pas d’y séduire.
La pratique de l’équitation, affectueusement financée par Joseph Vernet, concrétise son approche. Assidu des champs de course, il y retrouve le marquis de Villette – fils de l’un des amateurs les plus fervents des marines de son père – et un sportsman accompli : l’intrépide duc de Lauraguais. À leur suite, Carle entre dans le cercle d’une société anglomane et dandy dont il devient la coqueluche. Le duc d’Orléans, futur Philippe-Égalité, est le tout premier à appliquer la mode anglaise à la pratique de la chasse à courre. Non content d’adopter la redingote rouge dès 1783, au retour d’un voyage en Angleterre, il fait venir d’Outre-Manche chiens et chevaux pur-sang destinés aux haras qu’il fonde à Viroflay et à Meudon. Le duc est un familier de Joseph Vernet qu’il fréquente à la loge maçonnique des Neuf Sœurs. C’est dans ses écuries que sont hébergés les chevaux que Joseph offre successivement à Carle en 1778 et en 1783. Dès lors, Carle devient un habitué des chasses du duc.
L’anglomanie du jeune Carle n’est combattue que par sa formation académique, commencée dès l’âge de onze ans, dans l’atelier de Nicolas Bernard Lépicié, « peintre austère et bizarre qui, entre autres manies, avait celle de s’habiller toujours en moine » (ci-dessus, Le petit dessinateur, portrait de Carle Vernet par Lépicié, 1772, Musée du Louvre). Celui-ci conduit Carle à concourir pour le Prix de Rome. Après un premier échec, en 1779, Carle concourt à nouveau en 1781. Son Enfant prodigue remporte alors les suffrages du jury.
Le voyage de Rome est pourtant un échec personnel. Carle laisse derrière lui l’élue de son cœur et les courses de barberi l’inspirent moins que les pur-sang des hippodromes parisiens.
Parti de Paris en octobre 1782, le jeune dandy n’emporte pas moins de onze habits (un violet, un noisette à collet aurore, un gris mélangé, un suie de cheminée, un rouge à collet vert, un rouge à collet noir, un bleu, un de ratine carmélite, un de soye bleu de roy à veste brodée, un blanc et gris de lin et un blanc) à assortir avec quelque trente-huit gilets. S’inquiétant de cette « affectation bizarre du costume anglais » le comte d’Angivilliers s’en ouvre à Louis Lagrenée. Mais le directeur de l’Académie de France à Rome se préoccupe davantage de la crise mystique qui menace Carle de troquer sa panoplie de muscadin contre la bure monacale : « Le sieur Vernet est triste et maigri ; je crains que le climat de Rome ne lui soit pas avantageux ».
Prévenu en ces termes, Joseph favorise habilement le retour de son fils à Paris, dès le mois de mai 1783 puis l’emmène en Angleterre. « Venir à Londres sans voir les courses, c’est aller à Rome sans voir Saint-Pierre. » Carle Vernet tire plus de profit de son voyage dans la capitale britannique que de son séjour romain et se fait fort, entre deux réceptions, d’assister au fameux derby d’Epsom.
De retour à Paris, Carle renoue avec les plaisirs de la vie mondaine tout en s’attelant à son morceau de réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Le Triomphe de Paul Emile (ci-dessus, détail) est l’événement du Salon de 1789. Dans sa très néoclassique composition en frise, la toile se ressent de l’influence de Jacques-Louis David. Mais Carle saisit, avant tout, le prétexte d’un défilé militaire pour représenter une longue théorie de chevaux fringants. L’œuvre définit les ambitions contradictoires de l’artiste, entre classicisme de commande et anglomanie assumée, peinture d’histoire et scène de genre. Le succès lui fait sans doute espérer ne plus avoir à se soucier d’académisme...
(à suivre)
Rédigé le 22 février 2011 dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)
L'art du portrait (6)
Une des dernières acquisitions du musée d'Orsay (Paris) : le portrait du comédien Henri Samary (1865-1902), de la Comédie française, par le peintre Louis Anquetin, vers 1880.
Rédigé le 12 janvier 2011 dans L'art du portrait | Lien permanent | Commentaires (0)
2011... déjà !
Nous souhaitons une excellente nouvelle année à tous nos lecteurs !
Rédigé le 03 janvier 2011 dans Le weblog LND | Lien permanent | Commentaires (0)
Sur les traces de... Brummell à Calais
Le séjour de Brummell à Caen est aujourd’hui bien documenté*. Sans doute son poste officiel – bien que temporaire – de consul britannique et le fait que Caen fut le théâtre funeste du déclin de Brummell ont motivé l'intérêt des chercheurs et des historiens.
Son passage par Calais, où il resta plus de 14 ans est moins bien connu. C'est sur ces infimes traces laissées là par Brummell que nous vous invitons donc à « péleriner ».
On sait que Brummell franchit la Manche, le 16 mai 1816. Poursuivi par ses créanciers, brouillé avec le Régent à qui il a décoché quelques « piques » en public, ruiné par la passion du jeu, l’arbitre des élégances quitte l’Angleterre, à l’instar de lady Hamilton, quelque temps auparavant**.
A Calais, il fréquente surtout l’hôtel Dessin, qui doit son nom à la famille de ses propriétaires. L’hôtel est également surnommé « L’auberge des Rois », car il a le privilège d’accueillir régulièrement les têtes couronnées de passage : Pierre Ier déjà, au XVIIIe siècle, George IV en 1820, Napoléon III au XIXe siècle… L’auberge-hôtel se trouve rue Royale. Cette artère principale de Calais a changé de nom au fil des siècles : Great Friars Street lors de l’occupation anglaise, de 1347 à 1558, elle devient successivement « rue Royale », « de l’Egalité » sous la Révolution, « Impériale » sous Napoléon Ier, avant de retrouver son premier vocable avec la Restauration. Le tracé actuel de la rue n’est plus exactement le même que du temps de Brummell : les bombardements de la 2e Guerre mondiale ont profondément modifié la physionomie de la ville. De même, les maisons anciennes ont disparu, remplacés par des constructions plus modernes (ci-dessous) et il ne reste plus rien aujourd'hui de l'hôtel Dessin, connu seulement par quelques gravures (ci-dessus) et descriptions (Sterne, Le voyage sentimental), et qui fut pourtant, un siècle durant, jusqu’à sa fermeture en 1860, l'établissement hôtelier le plus important de la ville.
On sait, par quelques témoignages, que Brummell fréquente l’endroit quotidiennement et qu'il y prend ses repas. Il y rencontre les Britanniques de passage : on peut imaginer les conversations des voyageurs - surpris de croiser là le célèbre dandy - avec Brummell, heureux de jouer son rôle de bel indifférent. L'hôtelier, Léon Dessin, voit d'ailleurs dans sa présence une bénédiction : l'arbitre des élégances est une espèce de faire-valoir auprès de la clientèle anglaise, qu’il pousse à la dépense ! En retour, Léon Dessin lui fait volontiers crédit (Brummell lui laissera d’ailleurs, à son départ pour Caen en 1830, une note impayée impressionnante).
Dans la même rue, à quelques pas de l'entrée de l'hôtel, se trouve la librairie « internationale » d’Antoine Leleux. Leleux et Dessin sont amis et frères en Maçonnerie. La librairie, ouverte en 1817, avec la vague anglomane qui accompagne le retour des Emigrés, attire là encore la clientèle anglaise de l’hôtel. On peut y trouver les journaux londoniens de la veille et le visiteur passe donc facilement de l'hôtel Dessin à la librairie Leleux.
Brummell fréquente lui aussi la librairie, et même assidûment, d’autant que Leleux, en voyage en Colombie entre 1822 et 1824, lui laisse sa chambre, sans doute gratuitement. Ainsi, dans les colonnes du recensement de 1823 on lit :
Rue Royale à Calais :
n° 6-7
1578 Pierre Antoine Leleux (actuellement en Colombie), libraire, 41 ans
1579 Adèle Leleux, célibataire, 22 ans
1580 Eugène Leleux, 4 ans
1581 Jules Leleux, 3 ans
1582 Charles Sergeant, logé sur place, commis libraire, 22 ans
1583 Claudine Chaudy, domestique, 22 ans
1584 George Brummell, logé au mois, rentier [sic], Anglais, 55 ans
1585 Raimond Wattel, ouvrier relieur, 20 ans
1586 Félicité Blondel, logée sur place, couturière, 18 ans
Peut-être les deux hommes se connaissent depuis longtemps, avant même l’arrivée de Brummell à Calais. En effet, Leleux a appris son métier de libraire chez Dulau (à Londres) de 1802 à 1810. De la même façon, Brummell a peut-être fait la connaissance en Angleterre d'un autre de ses compagnons calaisiens, Louis Francia, aquarelliste de renom, émigré dans la capitale britannique de 1788 à 1817.
En tout cas, à Calais, Leleux, Francia et Brummell forment un fameux trio jusqu’au départ du dandy en 1830. Comme on sait, à cette date, on propose à Brummell le poste de consul britannique à Caen. Brummell quitte le Pas-de-Calais pour la Normandie.
L’indicateur de Calais, Journal du Commerce, de la Littérature et des Arts du 21 mai 1830 salue son départ en ces termes :
« M. George Brummell vient de recevoir sa nomination de consul de S.M.B. à la résidence de Caen. Nous verrons s’éloigner à regret cet estimable étranger qu’un séjour de près de quinze années a rendu en quelque sorte notre compatriote. L’Exequatur du roi de France lui a été adressé il y a quelques jours. »
* voir par exemple : Maurice-Ch. Renard, Brummel et son ombre, Caen : 1830-1840, Ed. Perrin, 1944.
** Lady Hamilton avait précédé Brummell de deux ans. Harcelée de même par ses créanciers, l'ancienne maîtresse de Nelson, mort en 1805, quitte l'Angleterre en 1814 et se réfugie à Calais à... l'hôtel Dessin ! Elle décède en janvier 1815.
*
Nous tenons ici à remercier chaleureusement l'association Les amis du Vieux Calais qui a eu la gentillesse de nous fournir l'essentiel de nos renseignements et de notre documentation.
Rédigé le 24 novembre 2010 dans Pèlerinages | Lien permanent | Commentaires (1)
Pub dandy : campagne 2010 Oliver Peoples
Une vidéo qui nous avait échappé il y a quelques mois : le clip de la campagne 2010 de la marque Oliver Peoples (lunettes) avec Shirley Manson et Elijah Wood (musique : Zee Avi). Chic, décalé, dandy, décadent... On aime !
Merci à Jeremy, notre opticien préféré, d'avoir attiré notre attention sur cette vidéo !
Rédigé le 30 octobre 2010 dans Pub dandy | Lien permanent | Commentaires (1)
En bref...
- Information capitale et musicale : Max Raabe, accompagné par le Palast Orchester, donnera deux concerts en France au printemps prochain. Le premier aura lieu à Paris, le 10 mars 2011, au Grand Rex, le second, le lendemain, à l'opéra de Vichy. N'attendez pas pour prendre vos places (billetteries habituelles) !
- Un nouveau site sur Oscar Wilde (oscarwilde.fr) est en ligne depuis quelques semaines déjà. Outre les éléments biographiques et chronologiques, on y trouvera une multitude de liens vers les oeuvres de Wilde disponibles en ligne. Le site s'enrichit régulièrement d'articles nouveaux. A ajouter donc à vos favoris.
- Le musée Carnavalet (Paris) propose jusqu'au 27 février une passionnante exposition intitulée Voyage en capitale, Louis Vuitton & Paris, qui retrace l'histoire de la célèbre marque, depuis ses débuts (ouverture du 1er magasin en 1854) jusqu'à la période contemporaine (créations récentes, installation vidéo in situ de Frédérique Chauveau). A noter : une salle, consacrée aux "malles" masculines, et baptisée "Dandys"... Nous y reviendrons plus longuement dans une prochaine note.
Rédigé le 28 octobre 2010 dans En bref..., Exposition, Musique | Lien permanent | Commentaires (0)
Pub : octobre élégant
Lire la suite "Pub : octobre élégant" »
Rédigé le 12 octobre 2010 dans Mode homme, Pub dandy | Lien permanent | Commentaires (0)
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